Chronique

Anemochore

Suite and Seeds

Frantz Loriot (vla), Daniel Studer (b), Sebastian Strinning (ts, bcl), Benjamin Brodbeck (dms)

Label / Distribution : Autoproduction

C’est beau, les disques où l’on apprend des mots. Surtout lorsque ceux-ci sont poétiques. Après Pétrichor, voici Anémochore. Les musiciens de jazz et des musiques improvisées sont souvent littéraires ; arrive désormais la cohorte des biologistes : l’anémochore, c’est la dispersion des graines par le vent, à l’instar du pissenlit. Est-ce Sebastian Strinning [1], au ténor et à la clarinette basse, qui se charge de disperser les semences ? Toujours est-il qu’il est le seul vent, et qu’il charrie beaucoup de scories dès « Akène », alors qu’à côté de lui un duo d’archets devenus inséparables, Daniel Studer à la contrebasse et Frantz Loriot à l’alto, se charge d’entretenir la germination. Dans « Samara », alors que le batteur Benjamin Brodbeck racle la terre à la manière d’un soc de charrue, les cordes lancent des bourrasques sur un travail éminemment collectif.

Anémochore, le mot est riche. On retiendra surtout le corps dans la sonorité du mot, tant il est omniprésent dans ce quartet de résidents suisses basés pour la plupart à Zurich. Il y a une présence et une incarnation dans chacun des morceaux. Ils sont courts pour la plupart, mais ce ne sont pas des précipités, ni même des ruptures. Suite and Seeds porte bien son nom, le disque est à prendre dans une globalité où le silence lui-même fait matière. Dans « Liriodendron », alors que la clarinette basse de Strinning, véritable liant de l’orchestre, souffle un son presque translucide, l’archet de Loriot prend le relais dans une continuité absolument organique. Il y a là une langueur et une lenteur tout à fait délicieuses qui plongent l’auditeur dans une rêverie douce. Parfois s’instillent et se brisent quelques secondes plus agitées. Un cycle de vie.

Projet de Frantz Loriot mais réflexion collective, Suite and Seeds a la légèreté et l’agilité des graines de frêne dont les enfants, petits ou grands, font les hélicoptères. Il en a aussi la texture nervurée et unique, qui fait presque penser à de petits coquillages qui ne laisseraient pas entendre la mer, mais plutôt passer le vent. Le quartet tournoie, s’emporte au gré des courants mais atteint toujours son noble but  : planter des graines pour le futur, dans l’attente fébrile de mieux recommencer.

par Franpi Barriaux // Publié le 17 novembre 2019
P.-S. :

[1On se souvient de son Ear Trio.