Scènes

Soirée Cristal Records au New Morning

25 avril 2007. Le « Pentacle » de Sophia Domancich et le « Blowing Trio » de Laurent Coq présentent leurs derniers albums…


Dans la rouge ambiance toujours très cosy et chargée d’histoire du New Morning, le label Cristal Records présentait deux de ses dernières productions. Entre (re)découverte et déception, la soirée manquait quelque peu de chaleur.

Sophia Domancich fait son entrée vers 21h avec son Pentacle. Tout de noir vêtue, elle a retrouvé les cheveux qui lui font poétiquement défaut sur l’affiche du concert. L’euphoniste (Michel Marre), chapeau classieux, pantalon en cuir, a une dégaine d’Américain lecteur de Bukowski ; à sa droite, le bugliste (Jean-Luc Cappozzo) semble heureux d’être là. Jean-Jacques Avenel remplace pour l’occasion Claude Tchamitchian, en tournée en Finlande avec son Grand Lousadzak. Pour compléter le casting : Simon Goubert, vêtu comme le contrebassiste d’une affriolante chemise à la limite du léopard comme seule une paire rythmique de jazz peut en porter.

S. Domancich © H. Collon/Vues sur Scènes

Sur une heure et quatre morceaux, Pentacle dévoile en avant-première son Triana Moods, entre hommage au Mingus de Tijuana Moods (sur le très beau morceau éponyme) et fanfares habitées naviguant entre Louisiane et Espagne. Sophia Domancich, aux touches et à la baguette, excelle dans son rôle à la Carla Bley ; elle joue avec discrétion et retenue là où d’autres chercheraient à étaler leur virtuosité. Justement, les morceaux font souvent, et avec bonheur, penser aux orchestres de Mme Tropic Appetites, notamment dans son travail avec Charlie Haden et le Liberation Music Orchestra. Pentacle annonce son thème puis improvise avec une grande liberté, sans jamais ennuyer l’auditeur/spectateur, au point que, quand le morceau se renferme doucement, on se dit que le temps, en bonne compagnie, passe décidément bien vite.

Sophia et ses garçons se permettent même quelques expérimentations : Cappozzo au bugle n’émet que quelques sons étouffés, la main dans le cornet, tandis que Goubert caresse ses fûts de tout son talent. Les passages en duo sont une grande réussite : la complicité et la complémentarité piano/contrebasse produit de suaves harmonies sur l’émouvant « Funerals ». Le genre de concert où les notes divaguent au même rythme que nos pensées.

S. Goubert © H. Collon/Vues sur Scènes

Le temps de digérer cette heure (trop) courte de musique dans une salle étrangement amorphe et relativement clairsemée, et le Laurent Coq Blowing Trio entre en scène.

Là où Sophia Domancich faisait preuve de discrétion, Coq donne dans le clinquant, obligé qu’il est de combler l’absence de paire rythmique. Là où elle montrait une certaine timidité, il fait assaut de sympathie et d’un plaisir certain de se trouver sur la scène du New Morning.

Laurent Coq est un chic type, prêt à faire la pub de tous ses petits camarades (le juvénile Olivier Zanot à l’alto, et l’expérimenté David El Malek au ténor), et on aimerait sincèrement entrer dans l’univers de son trio ; la mayonnaise, malheureusement, ne prend pas. Ses deux compères, les yeux rivés sur leur partition, ont l’air de s’ennuyer à mourir, enfermés dans la construction de morceaux qui ne leur laissent que très peu de liberté.

Seule l’arrivée de la voix de Laurence Allison pour trois ultimes morceaux redonne un semblant de vie à ce « trio +1 » (notamment sur un élégant « The World Belongs to Those Who Dare »). Ce projet, « osé » justement, clopine et ne décolle jamais véritablement, mais oblige Coq (sideman pourtant remarqué avec Pierrick Pedron ou Sophie Alour) à se lancer dans de pianistiques clichés un peu « dégoulinants » de notes.

Reste la vraie déception de la soirée : de placides spectateurs que Pentacle a su émoustiller mais que Coq et compères ne réussissent qu’à assoupir. Si le concert consiste en une rencontre entre musiciens et public, avec ce genre de public, la rencontre se complique…