Systems Two Studio : le son du jazz
16 février 2009 : Une journée d’enregistrement au studio Systems Two…
Un quartier animé et métissé de Brooklyn… Les enseignes en hébreu côtoient les fast food latinos et asiatiques. Dans les rues transversales, de petits jardinets ouvrent sur de coquettes maisons peintes en blanc. Le passant qui s’arrêterait au numéro 117 ne verrait qu’une banale porte rouge. C’est pourtant derrière elle que se cache l’un des studios d’enregistrement de jazz très courus : Systems Two.
L’accueil est chaleureux, l’ambiance feutrée : murs clairs, moquette, lambris… Construit en 1990, il est dirigé par Mike Marciano. Cette affaire familiale (le frère Joe Marciano, y officie en tant qu’ingénieur du son - un des meilleurs dans son domaine, d’après de nombreux artistes) est le fruit de 34 ans de travail dans la musique et l’enregistrement de CD.
Le premier studio de Mike a ouvert en 1975 à Brooklyn. A l’époque, il n’était pas toujours aisé de faire venir les musiciens et producteurs dans ce quartier, aujourd’hui plus abordable que Manhattan. Mais les musiciens viennent du monde entier enregistrer ou masteriser leur disque.
Pour Mike, le métier est prenant, intensif mais captivant : « C’est toujours un moment d’excitation, quand on crée un nouvel album ».
Deux studios : le principal, où on peut faire tenir un big band, et un plus petit, analogique (très demandé, car le son est meilleur d’après Mike - surtout la réverbe). Les musiciens y trouvent du matériel qui a parfois une histoire : l’orgue a été utilisé par Elton John ; le piano vient de Carnegie Hall, Marvin Smith a joué sur la batterie, un des micros a été prêté au studio par Ravi Coltrane, qui l’a hérité de son père, lequel l’utilisait souvent. Certains - même des guitaristes ! - demandent à l’avoir près d’eux quand ils enregistrent. Superstition quand tu nous tiens…
Le studio réalise environ trois cents enregistrements par an. En moyenne, il faut une journée pour enregistrer un album de jazz. Parfois trois à quatre heures (Joe Locke récemment) suffisent… mais les frères Moutin ont pris six jours, avec deux jours de mixage, à raison de 12h par jour. Les interprètes étaient exigeants ! La plupart des sessions durent 7 à 8h. Le mix se fait souvent « on the fly », ce qui permet aux musiciens d’économiser de l’argent et de repartir avec le CD.
Aujourd’hui, le joueur de oud Dhafer Youssef enregistre son dernier disque, en quartet avec Scott Colley (un habitué du lieu) à la basse, Satoshi Takeshi à la batterie et Tigran Hamasyan au piano. Joe est très précis dans ses gestes. Son fils lui donne un coup de main, chaperonné par Mike, qui semble déjà compter sur lui pour prendre la relève du studio. Dhafer donne ses indications pour le premier morceau, que le quartet commence à répéter. Puis vient la première prise. Une immense table de mixage fait face à la baie vitrée donnant sur la salle. Les musiciens reviennent s’installer sur les confortables fauteuils de cuir pour écouter, discuter : à cause des vibrations de la batterie, le son de la basse a l’air d’être enregistré en live. Scott s’isole donc pour la suite. Après une visite détaillée des locaux, je prends congé vers 20h. Fatigués, les musiciens mangent un morceau avant d’entamer les dernières prises de la journée…
Deux ou trois heures plus tard, Tigran joue déjà au Smalls avec Ari Hoenig… on est bien à New York, la ville qui ne dort jamais !