Chronique

Redman, Miles, Colley, Blade

Still Dreaming

Joshua Redman (ts), Ron Miles (cornet), Scott Colley (b), Brian Blade (dm)

Label / Distribution : Nonesuch / WEA

L’heure est incontestablement à la poursuite des rêves d’antan et des chansons d’hier jouées aujourd’hui. Parfois - et depuis déjà bien longtemps - la chose se targue d’être « nouvelle » ou « ancienne », sans que l’opposition se marque fortement entre les deux. Ainsi Dewey Redman (le père de Joshua) avait-il, sous le label « Black Saint », signé un Old And New Dreams, avec Don Cherry, Charlie Haden et Ed Blackwell, entièrement dédié à Ornette Coleman sans qu’il soit, à l’époque, question de dédicace autre que de filiation, puisque l’altiste texan était encore bien vivant.

Nous sommes en 2018 et Joshua Redman a fait son chemin. Un bien beau chemin en terme de carrière, et un virage apparent qui se dit ici - c’est lui même qui l’énonce - comme un retour au père, un père dont il a toujours soutenu qu’il (lui, Joshua) le connaissait mal. « I’m not sure that was true » ajoute-t’il, mais « du moins c’est ce que je croyais, et en tous cas avais besoin de croire ». Quant à sa mère (les notes de pochette, de la patte de J.R., sont une véritable psychanalyse appliquée en quelques mots), il croyait la connaître mieux que lui-même. Au fond, conclut-il avec lucidité, tout ça reste un bien grand mystère.

Ce qui l’est moins, et tant mieux pour nous, c’est la qualité de l’hommage ici rendu, à travers le père, à l’ancêtre Ornette et à ses indispensables compagnons, Charlie Haden, Don Cherry, et Billy Higgins ou Ed Blackwell. La musique est colemanienne en diable, au point même qu’on s’imagine volontiers qu’une application bien conçue, ayant « digéré » l’œuvre du créateur de « Lonely Woman », pourrait aider considérablement à écrire des morceaux venus en droite ligne de la plume du saxophoniste. On pourrait même concevoir des variantes de l’application, la variante Scott Colley, plus hadenienne que de raison, et la variante Joshua Redman, davantage tournée vers le souffle. On a déjà oublié que tout ça est très actuel, et que le troisième concerto pour piano de Ravel en est déjà à sa 43° version. Toutes plus ravéliennes les unes que les autres.

Je plaisante. Mais ce disque fait entendre de la si belle musique qu’il faut parfois prendre quelque distance. Écoutez « Unanimity » sur le versant animé, vif-argent, léger et emballé, mais aussi « Haze And Aspirations », beau poème tendre et ému, de Scott Colley, pas très loin dans son début du « First Song » de Charlie Haden. Voilà. Et réécoutez encore.