Les amateurs de Jazz et de BD connaissent bien les diverses collections du label Nocturne, mais avec ce long box consacré à Mae West, ce sont aussi les cinéphiles qui seront séduits.
Actrice de revue, vite spécialisée dans les pièces à scandale, son personnage de blonde à la poitrine plantureuse, aux provocations nombreuses, plaisait au public tout en défrayant la chronique. Le célèbre Sex, joué à Broadway en 1926, lui valut même huit jours d’emprisonnement. C’est cet épisode que retrace le scénario plutôt réussi de la BD soignée de Tommy Redolfi.
C’est qu’on ne plaisantait pas avec la censure à l’époque du terrible Code Hayes. Impertinente et souveraine, encore plus scandaleuse que Jean Harlow, la blonde platine, un peu moins « glamour » sans doute, ce type de petite femme au caractère énergique et à la langue bien pendue ne pouvait que rencontrer un succès phénoménal dans les films de studios. Elle contrôlait sa carrière, écrivait ses scénarios, maîtresse d’œuvre de ses pièces, de ses films, de ses shows. Ses frasques et ses répliques à l’emporte-pièce en firent une vamp, bonne enfant, rigolote et donc très populaire. Surtout, malgré son aspect de sex symbol, elle revendiquait avec aplomb la liberté sexuelle, ne se privant jamais de lancer avec gouaille des sous-entendus grivois.
Si Mae West est connue des amateurs, le mérite du premier CD est de nous faire découvrir que l’actrice était également chanteuse. Elle se défend plutôt bien, chantant avec entrain de sa voix rauque et sensuelle, vulgaire mais volontiers canaille. Avec une diction parfaire, un jeu expressif, elle ponctue fort plaisamment les intermèdes et autres numéros musicaux. Elle est accompagnée de l’excellent orchestre de la Paramount dans Going to town (1934) et Klondike Annie (1936), sur des musiques, pour ce dernier de James. P. Johnson.
Elle adopte le registre exotique avec le célèbre Xavier Cugat et son orchestre dans le bien nommé « On a typical tropical night », du film Go West Young Man (1936). Mais c’est surtout Duke Ellington qui signe tous les arrangements de « Belle of the Nineties », rebaptisé par la censure (« It ain’ no sin », plus explicite, était son titre original)
Plus proche de Mistinguette ou de Marlène que de Billie, même quand elle chante le blues (« All of me » ou « My Old flame »), Mae West eut en effet une seconde carrière de meneuse de revue à Las Vegas. Ce que nous révèle le second CD, les sessions de 1947 et 1954 où elle reprend certains titres de ses films comme le truculent « They call me Sister Honky Tonk », où elle pousse des gémissements sans équivoque ; le traditionnel « Frankie et Johnny », cultivant avec intelligence ce registre provocant et sexy. Ses spectacles musclés rencontraient beaucoup de succès, y compris auprès de Judy Garland, Louis Armstrong et même John Kennedy.
Une discographie soignée, ainsi qu’une bibliographie et une vidéographie sélectives accompagnent cet exemplaire d’une collection alléchante. A noter que les enregistrements, pour être de qualité, privilégient les prises en studio ; autrement les morceaux choisis sont retranscrits des BO des films : Si BD ciné a choisi des personnalités féminines marquantes comme Marilyn Monroe, Rita Hayworth, Mae West ne dépare pas une seconde auprès de ces figures légendaires. Et ce qui pouvait paraître kitsch, exotique ou en marge, se révèle tout simplement étonnant dans son adresse à s’insérer dans la plus pure tradition des musicals américains, avec une liberté de ton et de manières peu communes. Mae West décidément avait du style et beaucoup de panache.