Portrait

Trombine de Jazz

Le premier disque des Spice’bones sera dans les bacs début novembre.


Inclassable. Provocateur. Allumé. Portrait libre sans sourdine dans la coulisse.

Un portrait du groupe qui monte, les Spice ’bones : Sébastien Llado, Daniel Zimmermann, Matthias Mahler ou Julien Chirol (tb), Pascal Benech (btb), Manu Codjia (g), Jean-Philippe Morel (b), Vincent Taeger (d).

La rencontre a eu lieu à Yerres, en banlieue sud de Paris en février 2001, dans un studio d’enregistrement.

Seb Llado est le « dynamiteur » du groupe, tromboniste, compositeur et arrangeur. Quand il parle, on l’entend déjà jouer : nerveux, contrasté, (é)mouvant, sensible, imprévisible : du vif argent !
Aujourd’hui, dans le jazz, il est possible de rencontrer de jeunes musiciens qui se définissent volontiers comme « éclectiques, électriques, et électrisants », prêts à tirer sur tout ce qui groove.
Par humour et provocation, les Spice’bones, septette original (quatre trombones et une section rythmique électrique) cultivent volontiers le paradoxe dans le jeu, le choix d’un répertoire, les arrangements et les compositions originales…
Carte d’accès à bord du vaisseau Spicebones : le désir de jouer pour et avec les copains. Les copains d’abord, c’est-à-dire la famille. Et de former un Spice band qui nous emmènerait vers leur spaceland.

Au lieu de se heurter à l’obstacle des influences, ils revendiquent au contraire les métissages : des Beatles à Zappa, de Frank Rosolino à Jay Jay Johnson, de Miles période électrique à l’électronique d’ Amon Tobin. Sans oublier la jungle.
Il faut pour eux dépasser les bornes dans tous les sens et les styles : une tendance jazz-rock funk, mâtinée de reggae avec un groove très prémédité. Chaotique. Faire exploser gentiment codes et conventions, défaire les sous-entendus têtus. Pas de révolte, même soft, mais une volonté d’intégration dans une actualité en devenir, sans être trop pressé de trouver la formule.
Il leur paraît réjouissant que leur musique soit difficile à cerner : ainsi peuvent-ils aider à traverser les apparences de styles et d’époques.

Les Spice’bones sont des musiciens d’aujourd’hui. D’évidence leur jeunesse les transporte vers des équations musicales à plusieurs inconnues qu’ils savent résoudre à l’écoute. Ou dans l’interaction du jeu. Il ne s’agit pas d’un collage artificiel, pièces d’un puzzle instrumental, mais d’une incitation permanente au partage. En groupe. Une rencontre où chacun invite l’autre à créer justement une musique de l’instant et de la jubilation. Improvisée. Qui provient du risque d’être soi et de chercher. Sans poursuite infernale, sans compétition surtout, ils ne se livrent pas à une musique de surenchère individuelle, d’esbroufe à la virtuosité : l’émotion surgit de l’écoute attentive, complice de l’autre.

Pas envie de leur coller une étiquette, les étiquettes sont faites d’ailleurs pour être enlevées : ainsi, ils ne sont pas du tout opposés à la tradition et se proposent même de la faire vivre, mais différemment. N’est-ce pas là l’esprit même du jazz ? La reprise de certains standards les titille : leur final avec Green Dolphin Street fait frissonner, leur reprise de Stairway to Heaven allume sans nostalgie. Et l’on se souvient, avec le P’tit bal perdu. Que le jazz est une musique populaire. Qui parle aussi de nos racines et de notre histoire.

Mais les Spice’bones n’en restent pas là, surtout pas.
Par exemple, un morceau de plus de six minutes Losers ( qui pourrait bien être le titre décalé de leur prochain et premier album ) peut se structurer au départ sur l’envolée d’une batterie déchaînée à laquelle se joint une guitare franchement électrifiée, qui délire et explore d’autres univers, où entrent, comme à la parade, des chorus de cuivres « pêchus ». Un sens véritable de la construction , une mélodie toujours très présente, et une rythmique ardente : une douce violence avec des changements de tons, des ruptures de climat et de tonalité.
On peut évoquer une musique libre, pas free.
Il est peut-être trop tôt pour inscrire les Spice’bones dans un courant, et pourtant leur musique recèle une intelligence créative, une énergie insolente.

A regarder Seb écouter, en studio, la musique accomplir elle-même son devenir, hors de lui, on effleure le mystère ineffable de la création, en essayant de garder l’empreinte de la mélodie, de conserver la résonance dans l’air…

Pour la sortie de leur premier disque, souhaitons leur de devenir déjà « incontournables ».