Sur la platine

Une pierre, une plume, une écharpe

Quand le violon de Matthias rencontre les percussions de Boss


© Matthias Boss

Matthias Boss est connu comme violoniste improvisateur. On l’entend souvent en solo et en duos, dernièrement avec Guy-Frank Pellerin.

der Stein, die Feder, der Schal - Illustration de Matthias Boss

À l’écoute de l’une de ses pièces postées sur SoundCloud, les craquements initiaux, les résonances font penser à un archet faisant grincer les cordes, les écrasant avec science, et à des frappes du même archet sur le bois de l’instrument enregistrées au plus prés, d’une manière hyper-réaliste. Une entrée en matière brute, rugueuse, austère pour donner la tonalité générale du morceau.

Mais quand un trait d’archet cingle au milieu de ces craquements, le doute pointe : y aurait-il un second musicien ? Retour sur la page de Matthias Boss et constat qu’il est le seul instrumentiste, violon et percussions. Nouvelle écoute du début et d’autres hypothèses se font jour. Peut-être s’agit-il de baguettes crissant sur une peau, la martyrisant. Et ce trait d’archet ne peut qu’être le résultat d’un travail de sur-enregistrement.

Reste l’épineuse question de l’œuf et de la poule*.
Mais oublions la genèse et laissons la musique nous engloutir.

Ce duo impressionne par le caractère abrupt des attaques, des frappes, des grincements. La raison même de cette musique est la fascination pour les objets sonores, leurs attaques, les divers grains, les résonances, les dialogues complémentaires ou les superpositions contradictoires.
Ainsi, un discours fait d’éclats discontinus, acides à l’archet, trouve-t-il résonance avec des frappes perlées, irrégulières.
Plus loin, des séquences quasi élégiaques se retrouvent confrontées à des frottements métalliques fourmillants, bourdonnants ou à des frappes lourdes, arythmiques et frénétiques.
Des échanges, de véritables dialogues s’instaurent aussi entre cordes frottées et percussions diverses.
Et lorsque l’archet s’enivre, virevolte, frise les suraigus, il est accompagné d’une grêle percussive ou d’éboulis venant accroître notre submersion sonore.

Cette pièce, éruptive, impressionnante, est un vrai condensé de sensualité acoustique… et de contrepieds. Une musique à déguster à plusieurs reprises, sa brièveté (neuf minutes) aiguisant le plaisir d’y revenir.
Le titre de la pièce ? La pierre, la plume, le foulard. Une rencontre inattendue.

par Guy Sitruk // Publié le 1er décembre 2019
P.-S. :
  • Matthias Boss a d’abord enregistré ses percussions avant de jouer le violon .