Sur la platine

Dans les cordes avec la Fundacja Słuchaj

Retour sur les sorties de l’automne du label polonais dans lesquelles les cordes sont à l’honneur.


DUOT with Strings

Le groupe DUOT existe depuis 2007. Binôme formé du saxophoniste Albert Cirera et du batteur Ramón Prats, leur dernier album Fe, sorti sur le label Repetidor, datait de 2019. Cinq ans après, on est très heureux de les retrouver pour ce nouvel album baptisé fort justement DUOT with Strings (enregistré en public en décembre 2021 à la Igreja do Espírito Santo de Caldas Da Rainha, Portugal). Car en effet les deux compères ne sont plus seuls : ils sont accompagnés pour l’occasion du ZARM Ensemble, un quatuor à cordes comprenant les violonistes Carlos "Zíngaro” et David Magalhães Alves, le violoncelliste Ulrich Mitzlaff et le contrebassiste Alvaro Rosso. Ensemble, ils élaborent sur l’instant une musique dense et épidermique où cordes, bois et peaux s’entremêlent dans un savant brouillage auditif. On ne sait qui fait quoi, qui joue quoi, quels instruments émettent quels sons ; les timbres se mélangent, les instruments sont utilisés à leur corps défendant, comme des boîtes à sons, à bruits. L’ambiance des morceaux s’en ressent ; elle est sourde, épaisse, presque pesante, la tension y est palpable. Elle ne retombe que le disque refermé, après un « Crumbled Time » explosif.

The House Of Memory

Quatre ans après un premier album en quartet (avec le clarinettiste Luiz Rocha qui, depuis, ne figure plus au casting) paru chez Amirani Records, le groupe Unknown Shores sort un deuxième album intitulé The House Of Memory. Au clarinettiste João Pedro Viegas, à la pianiste Silvia Corda et au contrebassiste Adriano Orru, viennent s’ajouter deux cordistes de renom : Carlos Zíngaro (encore lui) et la violoncelliste Helena Espvall (que l’on avait déjà entendus ensemble dans le beau Turquoise Dream, aux côtés de Marcelo dos Reis et Marta Warelis). Les compositions sont collectives et instantanées. Elles s’ébrouent sur des formats courts, partant d’un rien, d’un son, d’une note, développant un discours à mi-chemin entre improvisation et musique de chambre. La plupart du temps, l’atmosphère est feutrée, comme retenue. La partition joue sur les couleurs et les contrastes : du faible au fort, du lent au rapide. Sur les timbres aussi. La chaleur de la contrebasse et des clarinettes s’opposent à l’acidité des aigus du violon et du piano (parfois préparé). Le violoncelle, quant à lui, choisit tour à tour son camp. The House Of Memory grave en tout cas une bien belle rencontre.

Seven Skies Orchestra

Pour son nouvel album, le saxophoniste brésilien Ivo Perelman a réuni des compagnons de longue date, rompus aux joutes improvisées (Nate Wooley, Mat Maneri, Fred Lonberg-Holm, Joe Morris, Mat Moran) dans un étonnant sextet baptisé Seven Skies Orchestra. Il est rare de voir Perelman entouré d’un ensemble aussi dense, lui qui est avantage porté sur de plus petites entités (duo, trio et quartet). C’est donc à une presque première que nous invite le saxophoniste dans ce double album détonant, composé de dix improvisations qui, comme souvent chez le brésilien, s’étirent en longueur (de 7 à 14 minutes). La musique advient par à-coups, par bribes, au gré des prises de parole et des silences de chacun des musiciens. Ici, l’originalité de l’orchestration (trois cordes, deux soufflants et un vibraphone) libère les possibles, permettant une multitude de combinaisons ainsi qu’une grande liberté formelle. Le talent des musiciens fait le reste.