Chronique

Watts / Owens / Williams / Armstrong

Sensoria

Heath Watts (ss), Nancy Owens (vln), M.J. Williams (p, mel, tb), Blue Armstrong (b)

Label / Distribution : Leo Records/Orkhêstra

L’exercice dans lequel se lance ce quartet d’Américains porte bien son nom. Dans Sensoria, il est évidemment question de sens : ils sont en éveil, prêts à bondir, exacerbés même, comme souvent dans les compositions instantanées. C’est notamment le cas lorsque dans le complexe « Parallels and Polarities », le soprano de Heath Watts, pur produit de Philadelphie où on l’a souvent entendu avec la pianiste Alexandra Swaney et le contrebassiste Blue Armstrong, porte le fer et s’acoquine avec le violon de Nancy Owens. Cette dernière est une part importante dans le propos collectif. Dans « Festooned », c’est elle qui construit à coups de pizzicati un chemin sinueux qui se joue de la contrebasse et s’amuse avec les timbres.

Singulièrement dans ce morceau, mais également dans tous les autres, c’est l’alchimie des timbres qui est la clef de voûte d’une expression collective et sans leadership. Bien sûr, M.J. Williams est ici au piano, on l’entendra dans « Such Falls Softly » au melodica, traçant une ligne entre les errances de ses compagnons, mais c’est comme se rajouter des pistes et des scénarii supplémentaires. La plupart du temps, la native du Montana, qu’on a souvent entendue avec Jobic le Masson, est au trombone, un instrument dont elle a une approche très douce et concertante, loin des ruptures. Elle esquisse même quelques pas de mélodies dans « Frenergy » où son jeu de coulisse très liant intime à l’archet du violon de le suivre.

C’est le secret de cet album sorti presque naturellement chez Leo Records : un travail d’amalgame des sons qui s’apparente à une fraternité des timbres. Entre le violon et le soprano, il y a plus d’une similarité, tout comme avec le trombone. La basse n’est pas à part ; elle s’adapte, à l’image de la coulisse. Toutes deux cherchent à encadrer et à solidifier le propos, comme le ferait le mortier sur un mur. C’est bien ce mur qui est la somme des talents de Sensoria. Une beauté brute, râpeuse parfois, mais qu’il fait bon escalader pour voir les horizons lointains.