Chronique

BROM

A Night And 43 Seconds

Alexander Beierbach (ts), Jan Roder (b), Christian Marien (d).

Label / Distribution : Tiger Moon Records

Il est toujours intéressant d’entendre des musiciens dans un contexte légèrement différent de l’habitude. Depuis quelques années, et surtout en cette année anniversaire, on s’était habitué à entendre la contrebasse de Jan Roder aux côtés de la batterie de Michael Griener ; mais nous savions depuis son trio avec Silke Eberhard que le musicien pouvait explorer avec un autre partenaire. C’est le cas ici, toujours en trio, avec le batteur Christian Marien qui, lui aussi, a un orchestre avec la saxophoniste. Le contexte très improvisé de Brom, où l’on retrouve le saxophoniste et patron du label Tiger Moon Records Alexander Beierbach, sied parfaitement à la paire rythmique. On découvre même, avec la pièce inaugurale « A Night And 43 Seconds », long échange fluide et souple, que la contrebasse sait parfois se faire plus chantante, moins concernée par la rythmique et davantage dévoreuse d’espace.

Voilà plusieurs années que le trio Brom joue, et l’on perçoit beaucoup de chaleur et d’intimité dans un morceau comme « Mysterious West » où Roder introduit en douceur le propos caressant du ténor. Il n’y a pas de rupture dans le jeu de Beierbach, le son est soyeux bien que légèrement granuleux, et c’est la concorde qui est recherchée dans un échange plein de simplicité où, lorsque le ton s’emballe, c’est avant tout pour chalouper avec une grande élégance, la contrebasse venant soutenir une polyrythmie complexe et versatile. À l’instar de son collègue bassiste, Christian Marien, que l’on entend par ailleurs dans l’Insomnia Brass Band, s’attache a un certain colorisme : ainsi « Glimmer », porté par le souffle brûlant de Beierbach, est l’occasion pour le batteur d’explorer les sonnailles de ses cymbales et d’en faire un dédale.

Il n’était pas besoin d’attendre « Lacy Layers » pour reconnaître les influences du trio. Mais dans ce morceau, l’exubérance soudaine de la batterie permet au saxophoniste de se montrer plus nerveux, sans jamais céder à la rage, bien accompagné par les pizzicati de Roder. En toutes circonstances, Brom reste gracieux, sans perdre de vue une énergie dépourvue de tension inutile et d’une grande bonhomie. À l’image de ces trois improvisateurs de la riche scène allemande.

par Franpi Barriaux // Publié le 2 mars 2025
P.-S. :