Chronique

Woody Herman

Live in ’64

Woody Herman (cl, as, voc), Paul Fontaine, Billy Hunt, Bill Chase, Danny Nolan, Gerald Lamy (tp), Phil Wilson, Henry Southall, Kenny Wenzel (tb) Sal Nistico, Gary Kelin, Joe Romano, Tom Anastas (sax), Nat Pierce (p), Chuck Andrus (b), Jake Hanna (dm)

Label / Distribution : Naxos

Parmi les dernières parutions de cette collection, qui permet de voir ou revoir certains concerts « live » parmi les plus admirables des années 60 (Coleman Hawkins et Erroll Garner « live in 62 & 64 », Anita O’Day en 63 & 70, Art Farmer en 64, Art Blakey ’65, Jimmy Smith ’69) se trouve la prestation de l’orchestre de Woody Herman (1913-1987), filmée par la BBC pour l’émission Jazz 625 - cet orchestre que Woody surnommait « the herd » (le troupeau) depuis « The First », au début des années 40, « The Second Herd » étant resté le plus célèbre avec les fameux « Four Brothers ».

Sur les onze titres de ce DVD (dont se détachent, outre ces « quatre frères », des thèmes fortement imprégnés de l’esprit du blues tels que « Sister Sadie », « Hallelujah Time » et l’irrésistible « Caldonia », ainsi qu’un « Better Got it in Your Soul » qui aurait enchanté son compositeur, Charles Mingus), l’orchestre — seize musiciens dont cinq trompettistes — se déchaîne le plus souvent sur des tempos dits d’enfer, dirigé par un Woody hilare, roulant des yeux, agitant frénétiquement sa main droite, prenant le public ravi à témoin de son propre plaisir.
Belle machine à swing faisant la pige aux orchestres parfois ronronnants du Duke et du Count, arrangements de qualité signés le plus souvent par le pianiste Nat Pierce, talent exceptionnel de l’ensemble et des solistes dont se détachent en vedette le saxophoniste Sal Nistico, le trompettiste Billy Hunt, Phil Wilson au trombone, avec cette formidable rythmique formée par Chuck Andrus (contrebasse) et Jake Hanna (batterie) ; le leader intervient parfois à la clarinette et au saxophone alto, ce qui, il faut bien le dire, n’est pas le plus excitant… mais quel bonhomme que ce Woody qui porta et supporta financièrement ces Thunderings Herds, patron respecté et aimé des musiciens, de ses pairs et du public (lire son autobiographie « The Woodchopper’s Ball », parue en 1990, trois ans après sa disparition).
Un après, la même formation se produira au Festival d’Antibes-Juan-les-Pins avec la même fougue, le même enthousiasme du public, la gentillesse des musiciens qui se prêtèrent à des bœufs « after hours » enregistrés par quelques aficionados, nomtamment au Pam-Pam en présence de votre serviteur émerveillé. [1].

Si la musique et remarquable, la réalisation l’est tout autant : disposition des pupitres, perfection de l’éclairage, noir & blanc de qualité, impeccables gros plans sur les solistes, et une sobriété classe qui manquera à d’autres émissions enregistrées par l’ORTF d’alors… tout est réuni pour satisfaire les amateurs, aux yeux de qui Woody mérite sa place parmi les grands créateurs de jazz, parmi les grandes formations. Les autres le découvriront avec, souhaitons-le, le même bonheur.

par Jacques Chesnel // Publié le 15 janvier 2010

[1Malgré mes recherches, aucune trace de la totalité de ce concert n’a été retrouvée aux archives de l’INA ; mais ceci est une autre histoire.