Des chapelets de notes comme autant de guirlandes colorées : tel est le programme que semble s’être fixé ce pianiste déficient visuel d’origine israélo-italienne. Il développe un toucher d’une grande sensibilité polyphonique et polyrythmique, sans faire étalage de virtuosité.
Nanti d’un solide sens du stride, Yakir Arbib dépasse les horizons de la tradition par quelques irrévérences coltraniennes (une livraison de « Giant Steps » lui offre l’occasion de se livrer à un exercice de haute voltige) donnant à son jeu des atours spirituels.
Sa quête de l’universel l’amène à développer des arabesques subtiles sur « Caravan », et, s’il se plaît à détricoter « Scrapple from the Apple » de Charlie Parker, c’est pour mieux en restituer le sel. Il inflige d’ailleurs le même sort au standard rabâché « I Got Rhythm » ainsi qu’à l’incunable « Cherokee », avec une bonne dose d’humour.
Ses compositions ont une saveur douce-amère, donnant à ressentir des paysages intimes, des promenades poétiques qu’il se plaît à fredonner par dessus ses mélismes pianistiques. Il y a comme un côté gustatif dans le plaisir de son jeu, donnant à saliver d’envie et incitant à réécouter ce petit bijou de piano solo pour en saisir le moindre effluve.