Scènes

Échos du festival Jazz à L’Étage 2016 (3)

Compte rendu du festival bretillien à Rennes et Saint-Malo


Dexter Goldberg trio © Philippe Colliot

Le dernier weekend de Jazz à L’Étage est malouin. Avant le ciné-concert, place aux jeunes musiciens soutenus par le festival, et aux partenaires.

Samedi 19 mars 2016
Dexter Goldberg trio : une palette étendue
Nous retrouvons au théâtre Chateaubriand de Saint-Malo le trio que nous avions entendu l’an passé en première partie de Dianne Reeves lors de la clôture de Jazz à L’Étage au Liberté (Rennes). Nous revoyons Dexter Goldberg (piano) en tant que bénéficiaire du programme Freshsound 2015. Comme nous le laissions entendre, le trio a duré. Il s’est aussi affermi et aguerri. Tout cela se sent dans ce programme uniquement fait de compositions originales. .

« A Chord Into Me » et « I’ll Be OK » brillent par la légèreté et la douceur du toucher au piano. Le premier titre révèle le sens du swing, inné chez Dexter, et le second met en évidence, de surcroît, le jeu très délié de Kevin Lucchetti (batterie) et de Bertrand Beruard (contrebasse).

Dexter Goldberg © Jean-François Picaut

Une succession quasi cinématographique de scènes colorées caractérise « Smart Tone » et « Rainbow ». Le premier titre met en valeur l’équilibre entre les trois instruments, particulièrement sensible dans cette salle aux dimensions humaines, dotée d’une acoustique confortable. Le second, dont certains passages ont l’aspect d’une ballade, permet d’apprécier le travail mélodique de la contrebasse et la délicatesse du batteur. On serait tenté de parler d’un jeu liquide, fluide du piano. Mais certains passages sont au contraire tonitruants, voire violents. Ce n’est pas surprenant pour une pièce que son auteur envisage de renommer « Passions d’orage » !

Les saynètes très rythmées de « RER B » nous narrent les tribulations de Dexter dans ce transport francilien qui fut longtemps son lot quotidien. Dans cette pièce où les oasis de détente légère sont rares, on retient surtout les passages heurtés au piano, l’urgence et la fébrilité de jeu de la batterie et de la contrebasse.

Dans cette ville de Saint-Malo où Dexter a passé une partie de son enfance et son adolescence, le succès de son trio a été éclatant. Il est mérité. Si Dexter poursuit dans cette voie, on devrait l’entendre encore longtemps.

Dexter Goldberg & Samuel Blais © Philippe Colliot

En guise de transition avec le concert suivant, Dexter Goldberg et Samuel Blais (saxophone) nous ont interprété une agréable ballade, bien équilibrée. Samuel Blais est accueilli avec son groupe à Jazz à L’Étage dans le cadre du partenariat noué avec Jazz en Rafale de Montréal, sous l’égide de l’Institut culturel français.

Auguste Quartet : entre tradition et modernité
Le concert de l’Auguste Quartet, formation fondée par Alain Bédard (contrebasse) il y a vingt ans, présente ce soir des compositions signées par ses différents membres.

« Blue Mitch » est une composition du batteur Michel Lambert. On y entend un discours assez classique, bien rodé, par Bédard, Félix Stussi (piano) et Lambert lui-même. Au saxophone, Samuel Blais fait entendre quelques accents contemporains en jouant sur le souffle. Le titre suivant, « Coupures sanglantes » (Alain Bédard) est ironiquement dédié au gouvernement conservateur du Québec, responsable de coupes claires dans les budgets culturels. Le thème en est chantant en dépit du titre, et le saxophone y fait entendre un son plein et rond. Il signe aussi « Vieux pneus », occasion d’un solo virtuose à la contrebasse. « Buster » (Félix Stussi) est une pièce rapide, parfois sautillante, à l’image du personnage qu’elle honore.

Auguste Quartet © Philippe Colliot

Les deux titres composés par Samuel Blais sont de facture très différente. « Et voit le jour » est un titre qui donne à entendre la délicatesse de son phrasé, la plénitude et la rondeur du son. Le tout forme un bel équilibre avec le trio rythmique. Inspiré par une histoire de fourrière hilarante (quand Samuel Blais la raconte !), « Brooklyn Tow Pound » a des allures très contemporaines dans le jeu entre le piano et le saxophone. On y remarque aussi les rythmes complexes à la batterie. C’est aussi cet esprit nouveau qui préside à un duo entre le saxophone et la batterie.

L’Auguste Quartet a clos avec brio la série des concerts de cette édition de Jazz à L’Étage en pratiquant une musique volontiers mélodique, ce qui n’exclut pas une certaine complexité des formes ni des combinaisons harmoniques et rythmiques. La soirée a connu la chaleur des traditionnelles rencontres entre « cousins » de part et d’autre de l’Atlantique.

Jean-Pierre Como & Stéphane Guillaume © Philippe Colliot

Dimanche 20 mars 2016
Mon oncle de Jacques Tati, avec une musique originale de Jean-Pierre Como
C’est traditionnellement un événement familial qui met un terme à Jazz à L’Étage. La septième édition n’a pas failli à la tradition en proposant en ciné-concert Mon Oncle de Jacques Tati. Jean-Pierre Como était l’homme de la situation, lui dont le premier groupe s’appelait, ça ne s’invente pas, Monsieur Hulot ! Pour ce film qu’il admire, Jean-Pierre Como a créé une musique qui colle à l’esprit du film de façon épatante. Il l’interprète en direct au piano avec Stéphane Guillaume (saxophone et flûte). Un succès mérité.