Scènes

Î D’îles, ou l’urgence écologique

Retour sur la sortie de résidence du projet « Î D’îles » à l’Escale de Tournefeuille.


I d’Îles © Cédric Gleyal

Suite à une série de résidences dans le Sud-Ouest et en Bretagne, Ferdinand Doumerc, Rébecca Féron, Csaba Palotaï, Audrey Spiry et Marjolaine Karlin présentaient à l’Escale la version finale d’« Î D’îles », un projet complexe dans lequel les cinq artistes, via la musique, les arts plastiques et la dramaturgie, racontent onze îles dont les histoires témoignent d’une catastrophe écologique.

« Î D’îles », tout est dans le titre ou presque. En tout cas, le projet initié par Ferdinand Doumerc a pour objet de raconter des îles délaissées. Mais il y a abandon et abandon et, dans le spectacle « Î D’îles », le fil conducteur est cette fuite écologique, à l’instar de Henderson en Polynésie britannique, île inhabitée où l’on trouve pourtant une concentration de déchets plastiques parmi les plus importantes du monde. Le concert était aussi et ainsi un geste militant. Pour mieux porter encore cette parole qui a surtout valeur de constat, l’ensemble constitue un concert peint puisque, outre les musiciens, Audrey Spiry réalise des fresques narratives durant l’heure et demie que dure le spectacle.

Onze îles sont ainsi visitées avec, pour chacune, une focale à partir d’une histoire originale. Ainsi en va-t-il de Tikopia et sa gestion écologique et démographique rationnelle, ou encore Aoshima qui connaît une concentration de chats extrêmement importante. Mais le récit de chacune de ces îles – il y a autant de chapitres qu’il y a d’îles – est aussi celui d’une éventuelle disparition des Hommes.

C’est l’Escale à Tournefeuille qui accueille la sortie de résidence ; on y retrouve le caractère complexe de ce projet, en raison notamment du dispositif vidéo et plastique autour duquel se retrouvaient la plasticienne et les trois musiciens – Ferdinand Doumerc y est en trio avec la harpiste Rébecca Féron et le guitariste Csaba Palotaï. La musique est ainsi une partie d’un triptyque où le travail d’Audrey Spiry est bien plus qu’une simple illustration et où ce sont les articulations entre musique, réalisations plastiques en live et dramaturgie, qui constituent l’essentiel de ce très beau projet.

Î d’Îles © Cédric Gleyal

On ne sort pas d’une résidence – la dernière en l’occurrence puisque l’Astrada, le café Plùm de Lautrec, le Théâtre Garonne, l’Estran de Guidel et la salle des Thermes de Saint-Antonin Noble Val avaient accueilli ce projet en gestation avant le final de Tournefeuille – sans une certaine pression. Reste que dans l’Escale, pleine comme un œuf pour cette occasion, on entend les mouches voler et l’on ressent une attention et une concentration constantes.

Ce n’est pas le seul projet artistique qui vient questionner la place de l’Homme dans son écosystème : nombreux sont les artistes qui se sont jetés dans cette problématique en mettant au service de cette cause leur sens esthétique et leur capacité à mobiliser. On retiendra que « Î D’îles » ne moralise ni ne fait culpabiliser. Il contribue à dresser un constat et, pour le coup, le fait de très belle manière.