Chronique

Jambangle

Rememberance

Karel Van Mercke (p, kb), Dieter Limbourg (ss, fl), Bruno Vansina (as, cl), Nicolas Kummert (ts), Jan Verstaen (bs), Jeroen Van Malderen (tp), Peter Kox (tp), Sam Versweyveld (tp), Frederic Heirman (tb), Bart De Lausnay (bass tb), Leonard De Graeve (tba), Bart Quartier (vib, marimba), Jo Mahieu (g), Wouter Berlaen (el b), Herman Pardon (d), Köhn (computer)

Label / Distribution : Culture Records

Karel Van Mercke est un compositeur et pianiste formé aussi bien au jazz qu’à la musique contemporaine. Jambangle est un big band créé en 1998 autour d’une résidence dans un club gantois, mais ce n’est qu’en 2002 qu’un premier CD, Trinity Song, a vu le jour.

On peut diviser Rememberance en deux moitiés : une première plutôt dynamique et joyeuse, et une seconde plus trouble. L’album commence avec un Amazon ouaté qui pose des arrangements à la Gil Evans (Van Mercke est un disciple avoué d’Evans et de Maria Schneider) sur une rythmique plutôt D’Angelo. C’est en introduisant une guitare à l’envers et en empilant progressivement les sons sous un duo guitare-soprano que Van Mercke trouble la surface d’une réminiscence qui aurait pu s’avérer trop tranquille. La tension accumulée est telle que seul la libère un cri poussé par un des membres de l’orchestre. Proche de l’esprit du Brussels Jazz Orchestra, Prognoses et Down the Hatch sont deux morceaux joyeux, à consonance funk années 80 pour le premier, r’n’b à l’ancienne (le baryton qui sonne la charge) et blues pour le second.

La deuxième partie de l’album est annoncée avec Cry in the Dark, où un marimba régulier et répétitif instaure une atmosphère retenue et méditative, tout le contraire du précédent Down in the Hatch. La métrique en 7/4 et les trombones jouant les parties les plus hautes suggèrent une certaine instabilité. Lorsque le marimba revient en jouant la même chose qu’au début, il n’est plus méditatif mais troublant, en partie parce que ses notes rapides et légères se heurtent à celles, longues et pleines, des cuivres.

Le mystère ne fait que s’épaissir avec Carla’s Tune, qui dégage une ambiance de western (les accords poussiéreux de Jo Mahieu) ou d’enquête policière. Mystérieux aussi, les alternances entre 3/4 et 5/4 et ces accords chargés de dissonances et de flûte acide. Ce morceau contient la plus belle combinaison sonore de l’album : guitare et vibraphone fournissent une base sur laquelle flûte et clarinette divaguent, sans but.

Les deux versions de Rememberance montrent bien le contraste entre les deux moitiés de l’album. La première version est marquée par un solo funky et extraverti de Sam Versweyveld (déjà remarquable dans Drivin de Chris Mentens), alors que la seconde, trois fois plus longue, est pleine d’une angoisse qui met quatorze minutes et deux solos de saxophone à se résoudre, avec comme fil rouge un ostinato de piano à une note. Il n’y a guère qu’un thème épique à sonorité indienne pour relier les deux interprétations.

L’album se termine avec deux remixes d’Amazon (toujours l’amour de la récurrence) réalisés par le bidouilleur Köhn, l’un intitulé Amazöhn, l’autre en piste cachée. Le premier remix triture chaque son de l’original avec des effets de production en pagaille, y introduit les trébuchements rythmiques propres à la musique électronique et en mélange les couleurs de manière impressionniste. Le second, moins intéressant, est plus une question de réglages de niveaux de mixage, ce qui donne quand même un arrangement tout à fait nouveau.