Scènes

Les belles histoires de Samy Thiébault et du trio Charlier Sourisse Winsberg

Jeudi 6 juin 2019, Marly Jazz Festival. Samy Thiébault « Caribbean Stories » , Charlier Sourisse Winsberg « Tales From Michael »


Samy Thiébault Quintet © Jacky Joannès

Première soirée de la quinzième édition du Marly Jazz Festival avec quelques histoires au programme. Elles sont caribéennes chez Samy Thiébault, elles racontent Michael Brecker du côté du trio Charlier Sourisse Winsberg.

Retrouver le Marly Jazz Festival, c’est un peu comme participer à une fête de famille. On s’y sent bien, dans une ambiance où organisation sérieuse ne signifie pas forcément se prendre trop au sérieux. Il faut dire aussi qu’on peut faire confiance à Patrice Winzenrieth qui en est l’âme depuis sa création en 2005 pour se sentir à l’aise et qui a su, au fil des années, conjuguer ses passions et les contraintes économiques qu’impose la mise sur pied de quatre soirées consécutives.

Son bilan est flatteur, avec 924 musiciens programmés au sein de 169 formations et 79 soirées. Pas mal pour un festival qui, s’il ne prétend pas rivaliser avec les grandes manifestations estivales, laisse entendre sa « petite musique » bien à lui. Une question d’équilibre à trouver entre des sensibilités diverses et un public qui reste à conquérir parce que rien n’est jamais acquis. Et puis, demandez aux musiciens qui s’y sont produits : l’accueil qu’ils y reçoivent de la part de l’équipe organisatrice est de ceux qu’ils n’oublient pas. Tous tiennent à le souligner.

Comme Samy Thiébault par exemple qui, au-delà des contraintes imposées par une prestation courte, sait partager le bonheur des musiques caribéennes découvertes il y a quelques années après un voyage au Venezuela et qui avaient abouti au disque Caribbean Stories. Le Venezuela, un pays dont il revient, justement, après un périple dans des conditions difficiles et un contexte politique particulièrement complexe. Calypso, merengue, valse ou chachacha… Ça fait du bien, n’y allons pas par quatre chemins ! On est content de retrouver ce musicien, après sa récente prestation à Nancy Jazz Pulsations en octobre dernier. Le saxophoniste est devenu une sorte de compagnon de route dont les histoires sont habitées d’une chaleur communicative et la musique d’un balancement faussement tranquille. Il faut dire aussi que lorsqu’on est entouré d’une cellule rythmique telle que la sienne, on peut « jouer sur ses deux oreilles » : Felipe Cabrera à la contrebasse, Lukmil Perez à la batterie et Inor Sotolongo aux percussions : voilà une tierce majeure dont la propulsion est sans faille et d’une grande sérénité. Cerise sur le gâteau, Samy Thiébault peut compter sur les éclats d’une guitare, celle d’Hugo Lippi, un ami de longue date dont la sensibilité mélodique n’est plus à démontrer. Tout cela est court, trop court forcément mais finalement, on apprend à savourer un plaisir qui s’en trouve concentré.

Samy Thiébault © Jacky Joannès

Dire que Benoit Sourisse et André Charlier se connaissent bien est un euphémisme. Avec eux et leur complicité de longue date, il faudrait presque parler de gémellité. Entre l’organiste et le batteur – deux fidèles du regretté Didier Lockwood – les paroles semblent superflues, les regards suffisent et pour tout dire, ils n’ont besoin de personne pour se produire sur scène. Ils sont un orchestre à eux seuls, experts en multiplication des couleurs et des rôles. Voilà une autre cellule en action, dont l’efficacité est redoutable. Charlier et Sourisse connaissent bien le Marly Jazz Festival et y reviennent, un grand sourire aux lèvres. Besoin de personne. Sauf que… quand on a la chance de compter Louis Winsberg parmi ses amis, on ne se prive pas du plaisir de jouer avec un tel guitariste et de vibrer avec lui à la musique de Michael Brecker. Le trio a publié Tales From Michael et célèbre la musique du saxophoniste et de l’un de ses compagnons, le pianiste Don Grolnick. Deux grands disparus bien trop tôt. Surtout que Brecker fait partie de ces figures majeures de l’histoire du jazz dont bien des musiciens revendiquent l’héritage. L’hommage du trio est vibrant, avec cette particularité, on l’a compris, de ne recourir ni au saxophone ni au piano. C’est un défi et une réussite. Et à ce jeu, Louis Winsberg attire la lumière, il faut bien le dire. Assez loin de son Jaleo, plus proche sans doute du jazz rock de Sixun, Winsberg offre un festival de sons multiples, virtuose et habité à la fois, dont les inspirations sont à chercher aussi bien du côté des élans solaires de Pat Metheny que des fulgurances électriques de John McLaughlin. Un régal… Autant dire que le trio élève très rapidement le niveau d’une musique qui prend vraiment tout son sens sur scène. On n’est pas loin de l’embrasement. Le rappel acoustique (« The Four Sleepers ») vient conclure de façon intime une prestation face à un public conquis bien que clairsemé. Les absents ont eu tort, il faudra le leur faire savoir !

Benoît Sourisse, André Charlier, Louis Winsberg © Jacky Joannès

Sur la platine

  • Samy Thiébault : Caribbean Stories (Gaya Music – 2018)
  • Charlier Sourisse Winsberg : Tales From Michael (Gemini Records – 2018)