Chronique

Matteo Bortone

ClarOscuro

Matteo Bortone (b), Enrico Zanisi (p), Stefano Tamborrino (dms)

Label / Distribution : CamJazz/Harmonia Mundi

Nous connaissons le jeune contrebassiste Matteo Bortone pour ses escapades francophones au sein du quintet Oxyd. C’est en quartet qu’il avait étonné dans Travellers avec Antonin-Tri Hoang. Avec ClarOscuro, il réduit encore la forme avec un trio qui se recentre sur l’Italie : autour de sa contrebasse très douce et joliment boisée, on découvre le pianiste Enrico Zanisi et le batteur Stefano Tamborrino. Il est presque naturel de retrouver ces musiciens très coloristes et soucieux des détails sur le label CamJazz qui suit la jeune garde transalpine avec une attention particulière, comme en témoigne Life Variations, un premier album proposé par le pianiste.

Investir le trio piano/basse/batterie n’est pas une mince affaire : tant de choses ont été dites qu’il serait présomptueux de vouloir proposer du neuf. Jamais Bortone ne le prétend, et l’on perçoit de loin en loin un tribut à Haden lorsqu’il jouait avec Jarrett et Motian (« Know Yourself »). Ses compositions, sans être fortement référentielles, s’attachent avant tout à traduire des climats et des images légèrement brumeuses où le piano est étonnamment central, à l’instar de « Floating ». Zanisi est une bien souple colonne vertébrale, joliment gainée par les inventions percussives de Tamborrino, réjouissante découverte de cet album.

Bien sûr, on n’échappe pas dans ce clair-obscur à des instants trop brillants où contrebasse et piano s’élancent dans des joutes parfois convenues (« Manimoto ») ou cédant aux formes à la mode pleines de cascades rythmiques et harmoniques (« Diablos ») mais pour que l’ombre se détache nettement du clair-obscur, il faut bien que la lumière soit blanche et crue. Pour la pénombre, on peut compter sur les textures plus abstraites qui habitent les deux parties de « Concrétion », où les cymbales de Tamborrino sont un liant efficace. Dans une configuration très égalitaire, Bortone montre de nouveau qu’il est un musicien polyvalent, capable de se fondre dans de nombreux univers. Peut-être sont-ils plus marquants lorsqu’ils s’avèrent audacieux. Entre clair-obscur et demi-teinte, la frontière est parfois bien ténue.