Philippe Gleizes & Jean-Philippe Morel

Ces deux-là se connaissent bien, et leur association ne date pas d’hier. Voilà en effet une quinzaine d’années que Philippe Gleizes et Jean-Philippe Morel ont uni leurs forces très vives pour constituer l’une des rythmiques les plus débridées, pour ne pas dire incontrôlables, qu’on puisse imaginer. Souvenons-nous de Dr. Knock, Call The Mexicans ! ou encore de United Colors Of Sodom…

Une cellule rythmique surpuissante qui évolue aux confins du jazz, du rock et autres musiques jusqu’au bout du souffle, et qui ne semble jamais devoir connaître le repos. Il y a chez eux - qu’ils nous pardonnent cette remarque olfactive - comme une odeur de transpiration : la batterie de Philippe Gleizes est foisonnement et semble se démultiplier en permanence ; la basse est grondement tellurique et vient frotter ses atomes crochus à l’électronique fournie par Jean-Philippe Morel lui-même. Dans la musette de leurs inspirations, on trouve forcément chez ces deux baroudeurs des influences progressives façon King Crimson ou encore Zeuhl, en référence à la cosmogonie de Christian Vander et sa planète Kobaïa. Ce n’est pas Philippe Gleizes qui dira le contraire, lui qui fut un temps le batteur d’Offering et dont le guitariste sur l’album Caillou, Rudy Blas, est aujourd’hui celui de Magma. Des références qui donnent une précieuse indication quant à la tension que la paire a choisi d’instaurer. À laquelle il ne faut pas oublier d’ajouter une bonne grosse dose d’improvisation.

Avec Band Of Dogs, Gleizes et Morel ont voulu définir un duo extensible au gré d’invitations faites à différents musiciens tout aussi enragés qu’eux. L’album se compose d’une série d’enregistrements live – 19 titres assez courts – captés au Triton entre mars 2015 et décembre 2016. Le générique de ces affiches ainsi rassemblées est affriolant et constitue à lui seul une carte de visite de ce que la scène française peut produire de plus créatif : Émile Parisien, Médéric Collignon, Bruno Ruder, Marc Ducret, Aymeric Avice, Hugues Mayot et Thomas de Pourquery. Des partenaires hauts en couleurs, poussés dans leurs retranchements (parfois jusqu’au cri ou à la déformation du son de leur instrument) par leurs hôtes qui prennent plaisir à les bousculer, sans doute dans un grand éclat de rire. Pas question de penser à rester bien au chaud dans sa zone de confort, ce sera dans une autre vie.

Band Of Dogs est un objet musical furieux sans véritable équivalent, une sorte d’espace ouvert à toutes les petites folies auquel tout musicien doit rêver un jour de s’abandonner. Philippe Gleizes et Jean-Philippe Morel sont, à leur manière, de vilains garnements qui ont choisi le radicalisme comme langage commun. Rien n’est joli dans cette musique puisqu’il ne s’agit surtout pas de caresser dans le sens du poil (même celui d’un chien), mais tout est habité d’une fièvre qui ouvre en grand la porte de l’imagination de chacun des protagonistes. L’urgence est au rendez-vous, qu’on se le dise !