Portrait

Agapes, héroïne d’un soir à l’Opéra de Lyon


Après avoir été nomade, Agapes est aujourd’hui SDF : cette association qui est autant un mouvement, un espoir qu’un manifeste ou un défi n’a plus vraiment de lieu pour inviter les musiciens de son choix, sauf la rue.

Après avoir été nomade, Agapes est aujourd’hui SDF : cette association qui est autant un mouvement, un espoir qu’un manifeste ou un défi n’a plus vraiment de lieu pour inviter les musiciens de son choix, sauf la rue.

Toutefois, pour un soir (c’était le vendredi 12 février 2010), elle s’est installée à l’Amphijazz de l’Opéra de Lyon, avec public, copains, complices et musiciens. Ambiance de fête et d’espoir pour cette soirée unique, en l’honneur d’Agapes et d’une certaine idée de la création musicale.

L’affiche était pléthorique : soixante musiciens avaient promis d’en être. Au final, ils étaient encore bien une quarantaine sur scène à obéir au doigt et à l’oreille à Andy Emler, ordonnateur de la fête avec son complice Laurent Dehors.

Agapes s’est ainsi payé une invite mémorable ; soirée en deux lieux, trois temps et vingt-six mouvements. Démarrée sur les marches de l’Opéra (là où rouvrira en mai le Péristyle), poursuivie dans l’Amphi et terminée au Périscope, lieu prémonitoire qui prospère désormais dans le quartier Perrache. Tout au long de la nuit, tous les musiciens qui ont croisé un jour ou l’autre la vie d’Agapes, sont venus rappeler, à leur façon, ce qu’ils lui devaient. D’où ce concert multiple, intelligent, où l’on sera passé de la grande formation au trio, du duo au solo. Soirée aussi festive dans la forme que triste au fond où tous et toutes se sont repassé un étonnant flambeau musical.

Pour une véritable politique en faveur du jazz et des musiques improvisées

On en garde évidemment des sons et des images : ce final ébouriffant, le solo retenu de Mario Stanchev, les petites réunions en duo, trio ou quartet nourris de tous ceux qui ont dessiné les jolies rides d’Agapes. Pour lier l’ensemble, Radio Arfi avait fait le déplacement, avec Jean Méreu au micro révélant en exclusivité des contractualités pas piquées des hannetons. Il n’aura repris la trompette que sur le mot « fin », après avoir multiplié commentaires « arfistes » et interviews d’Yves Bleton et de quelques personnes particulièrement impliquées dans le jazz rhônalpin.

Au-delà de cette fête tramée en plein cœur de Lyon avec la complicité active de l’Amphiopéra et de François Postaire, Agapes, ce soir-là, ne plaidait pas seulement pour sa paroisse. Dans le manifeste cosigné par ses membres, l’association, née il y a 20 ans, voulait surtout que cette soirée puisse servir à ce que « les pouvoirs publics décident d’une véritable politique en faveur du jazz et des musiques improvisées ». Yves Bleton, secrétaire générale d’Agapes, insistait d’ailleurs sur le fait que cette manifestation allait au-delà du soutien à une association. « Il s’agit« , explique-t-il, »de faire comprendre aux pouvoirs publics la nécessité de soutenir une scène dédiée à ces musiques, fédérant les acteurs d’un jazz innovant et dotée de véritables moyens ».

Le sujet dépasse en effet largement la soirée : malgré sa richesse, le jazz rhônalpin demeure, toujours et encore, le parent pauvre de la création musicale, comme s’il était entendu, une fois pour toutes, qu’un tel courant créatif ne pouvait se développer et prospérer que dans l’indifférence la plus affirmée…

L’appel

« Voilà 20 ans que l’association AGAPES travaille à Lyon à la promotion d’une musique libre et innovante, issue du jazz et des musiques improvisées.

Courant mai, nous apprenions que les gestionnaires de la Salle Genton où l’association programme régulièrement, avaient d’autres projets pour la rentrée 2009/10, nous mettant dans l’impossibilité d’organiser un calendrier de concerts. Courant juin, devait se discuter le renouvellement de la convention qui liait l’association à la Ville de Lyon et à l’Etat. Début septembre, nous sommes dans l’ignorance de la position des pouvoirs publics quant à la pérennité de nos subventions.

Devant cet état de fait, nous sommes contraints de suspendre la programmation prévue pour la rentrée, ainsi que les projets de résidence engagés avec certains musiciens.

Adhérente à la Fédération des Scènes de Jazz, AGAPES en respecte les objectifs qui stipulent que l’association doit être porteuse d’un projet artistique et culturel faisant une large place à la création actuelle, française et étrangère, qu’elle doit s’inscrire dans sa région en faisant un travail de repérage et de découverte de jeunes talents, qu’elle doit, enfin, respecter les obligations légales en matière de droit du travail et du droit social des artistes. Sans l’aide des pouvoirs publics nous sommes dans l’impossibilité de remplir ces missions.

Aujourd’hui, nous affirmons la nécessité de fédérer les acteurs d’un jazz innovant à Lyon pour que soit pérennisée une véritable scène dédiée à ces musiques. Comme à Marseille, Nantes, Avignon, Toulouse, Lille… Lyon se doit d’avoir un équipement capable de recevoir musiciens et public dans les conditions professionnelles que ces musiques exigent.

Vous êtes nombreux à avoir manifesté le désir de nous soutenir.

Nous appelons aujourd’hui le public et les professionnels à témoigner. »

contact@agapes.fr

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