Chronique

Wajdi Cherif

Phrygian Istikhbar

Wajdi Cherif (p), Habib Samandi (perc), Jeff Boudreau (d), Diego Imbert (b)

Label / Distribution : Wech Records

Les fusions entre le jazz et les musiques orientales n’utilisant pas la gamme à douze tons ont tendance à s’opérer sur des instruments qui n’ont pas de tempérament fixe, tels la guitare (John McLaughlin) ou le saxophone (John Coltrane), car le musicien peut lui-même infléchir les notes pour obtenir des notes situées entre les douze tons occidentaux. Donc, présenter un album où le piano permet une rencontre entre jazz et musique arabe (ou maghrébine) est un défi. Un défi remporté haut la main par Wajdi Cherif.

Ce pianiste tunisien habitant Paris a brièvement évoqué l’histoire du piano dans la musique tunisienne via les forums de Citizen Jazz. Il y explique notamment que les pianistes utilisent des appogiatures (une note très brève jouée juste avant la note principale, et un demi-ton en-dessus ou au-dessus) ou d’autres types d’ornementations pour simuler ces fameux quarts de ton. Concrètement, il suffit d’écouter les premières minutes de Voyage pour comprendre que Cherif marie les deux mondes musicaux avec un jeu confondant de naturel, qu’il soit soutenu par une batterie ou un derbouka.

Les trente minutes de Phrygian Istikhbar (« Istikhbar » signifiant improvisation en arabe littéraire, et « phrygian » désignant en anglais le mode phrygien) enchaînent et superposent allègrement thèmes arabes, swing, atmosphères « evansiennes », joie, danse et nostalgie. En tant qu’improvisateur, Cherif ne fait pas dans la prolixité, préférant des mélodies chantantes et finement ciselées. Le seul regret est la courte durée du disque (faible quantité, mais la qualité est au rendez-vous), espérons donc que cet EP débouchera sur un album complet.