Chronique

Alexis Avakian

Hi Dream

Alexis Avakian (ts, fl, g), Fabrice Moreau (dm), Ludovic Allainmat (p, elp), Mauro Gargano (b), Artyom Minasyan (doudouk)

Label / Distribution : Absilone

Le tropisme arménien a encore frappé dans le jazz hexagonal, et de fort belle manière ! Il va de soi que le patronyme du leader annonçait des couleurs venues des confins de l’Europe – ou de l’Asie, c’est selon. Pour autant, nulle prétention identitaire ici, si ce n’est l’art de conter, avec les ressources jazzistiques les plus pertinentes. Dès le premier titre le doudouk, ce hautbois caucasien, plonge l’auditeur dans un univers onirique sur un tempo exotique - sans oublier de swinguer. Car les cats réunis ici n’oublient pas les notes bleues qui coulent dans leurs veines, se jouant des codes musicaux avec un sens du bluff époustouflant. On se croirait sur les pentes du Mont Ararat alors qu’on est dans la moiteur d’un club new-yorkais ; on s’imagine à Erevan, alors qu’on est bien calé dans une salle phocéenne (Marseille étant la ville d’origine d’Alexis Avakian). D’aucuns suggèrent qu’il existe un blues arménien.

Mais… ce son de saxophone ténor ? Ces volutes somptueuses relèveraient-elles de quelque coltranisme ? Si l’influence du souffleur suprême n’est jamais loin dans la quête de l’exploration modale absolue, la suavité des intervalles mobilisés nous évoque plutôt les investigations mélodiques d’un Sam Rivers. En outre, l’usage du Fender Rhodes et du Wurlitzer sur quelques titres par l’excellent pianiste (Ludovic Allainmat, redoutable rythmicien, mélodiste fantastique), le jeu de guitare passionné du leader (qui troque les vents pour la six-cordes en évitant de « phraser comme un saxophoniste » comme le voudrait la tradition), électrifient le propos d’ensemble avec bonheur. La section rythmique est à l’avenant, soutenant le collectif avec un naturel sublime, qu’il s’agisse du son d’une batterie résolument harmonique (Fabrice Moreau, orfèvre des cymbales, joaillier des toms), ou bien sûr de la contrebasse du maestro Mauro Gargano dont le jeu solidaire et canaille fait chanter les racines arméniennes comme les discrets rappels bluesy. On en redemande.