AMI

Un orchestre, rassemblé depuis 2017 autour du guitariste (haut)-provençal Alain Soler, s’empare du répertoire « Sphérique » [1] avec jubilation.
Ce musicien complet, principalement guitariste, dont les inclinations libertaires n’échappent plus à dégun [2], se fait ici plus metteur en scène que chef d’orchestre (18 musiciens). Ce serait une insulte que de le traiter de leader !
De fait, les livraisons des standards monkiens acquièrent dans cet album une force visuelle prégnante. Si de chefferie il est question, elle ne pourrait être que sans pouvoir, car Soler pousse l’ensemble à transcender les gemmes du grand prêtre du bebop, s’emparant parfois de l’orgue avec générosité et malice.

Le répertoire est tantôt passé à la moulinette blues après un passage free (livraison en diptyque de « Bolivar/Straight No Chaser"), tantôt assaisonné à la sauce jazz-rock (« Epistrophy »), quand il ne lorgne pas vers le rock’n’roll façon Howlin’ Wolf (« Little Rootie Tootie »), avec un tropisme afro-caribéen qui ne dédaignerait pas la country (« We See »… on dirait que les musiciens se sont dit vraiment « voyons voir » ce que cela donnerait si…). Rappel du métissage monkien ?

La version hypnotique de « Round Midnight » pourrait provoquer une crise de somnambulisme, tant la voix diaphane de Capucine Ollivier envoûte comme un mojo vaudou, tandis qu’au violoncelle, Olivier Chabasse donne des frissons. D’ailleurs, les plages chantées allègent le taux de testostérone qui émane notamment d’une rythmique puissante (une basse électrique, une contrebasse et un batteur qui met le feu).
La chanteuse marche ici sur les traces d’une Carmen McRae qui sut, en son temps (bien qu’elle n’en eût pas écrit pas elle-même les paroles), conférer quelque atour féministe au créateur d’un hymne dansant comme « I Mean You ».

Et si Monk était une fête ? C’est la très bonne question que nous offre l’Atelier de Musiques Improvisées pour son trentième anniversaire.