Chronique

Graham Costello’s Strata

Second Lives

Graham Costello (dm, perc), Mark Hendry (b), Joe Williamson (g), Fergus McCreadie (p), Liam Shortall (tb), Harry Weir (ts)

Label / Distribution : Gearbox Records

Un batteur musicien ? Écossais de surcroît ? C’est possible. Le jeune Graham Costello, avec son groupe Strata, prétend assembler l’éthique Do It Yourself des scènes « indie » (entendons par là « électro »), post-rock et noise qu’il a longtemps fréquentées avant de rentrer en classe de jazz à la Royal Academy of Scotland, à l’exigence improvisatrice du jazz contemporain. Le pire, c’est que ça marche ! L’agencement de strates polyrythmiques et polyphoniques déclenche des frissons d’émotions contrastées, entre furieuses envies de danser et besoin de recueillement. Le pianiste s’immisce dans des interstices lumineux, quand le guitariste déploie riffs subtils et nappes saturées, ou que les cuivres se lancent dans des solos incandescents quand ils ne s’aventurent pas dans des tutti en forme de joutes (le sax ténor semble défier le temps quand le tromboniste, en particulier, peut se révéler d’une délicatesse confondante).

C’est un disque en clair-obscur aux prétentions autobiographiques, fondé sur la découverte de ses racines birmanes par le leader, assumant une part de mystère et révélant sa profondeur spirituelle (impétueux « Impetu »). Des grooveries sensibles dévoilent une personnalité musicale peu commune, fondée sur une quête de l’ataraxie, cette tranquillité de l’âme chère aux stoïciens (« Ataraxia » : quel morceau !). Avec une conviction somme toute très tellurique. Encore une production d’excellence de la maison Gearbox (Binker & Moses, Charles Tolliver…) enregistrée comme il se doit en analogique. Décidément, l’avenir du jazz se joue plus que jamais de l’autre côté du Channel.