Chronique

All Girls Bands

Jazz Ladies (1924 - 1962)

Lil Hardin Armstrong (p), Terry Pollard (vib), Mary-Lou Williams (p), Yvonne Blanc (p), Blanche Calloway (voc, dir), Lorraine Geller (p)…

Label / Distribution : Frémeaux & Associés

Saluons d’abord le titre, donné par l’éditeur, et sans doute aussi par Jean-Paul Ricard et Jean Buzelin, co-responsables de cette édition : Jazz Ladies, et non Women in Jazz comme par le passé, ou même « girls » comme ce fut également le cas. Non pas les « femmes » du jazz, terme passe partout, mais les « dames ». On dit bien « mesdames, messieurs » après tout.

Cette fois, les ladies ont droit à trois CD, soit un de plus que d’habitude. La ténacité de Jean-Paul Ricard, grand spécialiste de la question depuis des années, collectionneur de disques et de CD, produit donc son effet, et c’est avec plaisir et une certaine stupéfaction qu’on voit s’allonger la liste des instrumentistes du sexe féminin ayant pratiqué le jazz. Et encore, les habituelles raisons de droits ont limité la sélection à l’année 1962. On se doute que si l’on pouvait aller jusqu’à nos jours, il faudrait une bonne dizaine de galettes. Car, même si les chiffres ne semblent pas indiquer une rupture du fameux « plafond de verre », la présence des « ladies » ne faiblit pas, et même se renforce. Ajoutons que les chanteuses ne sont pas incluses dans cette sélection, sauf évidemment les cas (pas rares du tout) d’instrumentistes que les producteurs ont poussé à la chanson, pour des raisons financières.

Le premier CD est consacré aux pianistes (et parfois chanteuses), selon un principe d’édition fort intéressant qui consiste à nous proposer, pour chaque artiste, une plage datant des années 20 ou 30, et une située vers les années 50/60. Ainsi on découvre une Lil Hardin Armstrong en duo piano/batterie en 1961, une Mary-Lou Williams en 1953 (mais on savait la longévité de l’arrangeuse des « Clouds Of Joy »), et ensuite ça se brouille un peu car les pianistes sélectionnées ont débuté leur carrière plus tard. Bizarrement, Barbara Carroll est présente avec deux pièces de 1949, alors qu’elle a fait de fort beaux disques pour RCA dans les années 50. Mais on se régale de trouver Jutta Hipp, Marian McPartland et même Yvonne Blanc !

Le deuxième CD documente les instrumentistes - y compris les pianistes oubliées dans le précédent volume, comme Lovie Austin - c’est à dire les trompettistes (Dolly Jones, Valaida Snow), trombonistes (Melba Liston), guitaristes (Mary Osborne), saxophonistes, organistes (Shirley Scott) et bien sûr harpistes comme Dorothy Ashby. Sans oublier la « boppeuse » Elvira « Vi » Redd que Count Basie prit un si grand plaisir à nous présenter un soir d’été, à Antibes, dans les années 60. Quant au troisième CD, il est consacré aux groupes exclusivement féminins, du big band au petit combo, comme l’est aujourd’hui celui de Rhoda Scott. Ce dernier non présent, évidemment, pour des raisons de droits.

Il faudra sans cesse, pour les mêmes raisons, remodeler de telles éditions. Mais celle-ci s’impose aujourd’hui par sa sélection, et par les notes de pochette abondantes et précises de J.P. Ricard. Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, à vos lecteurs !