Chronique

John Scofield

Country For Old Men

John Scofield (g, ukelele), Steve Swallow (b), Larry Goldings (p, org), Bill Stewart (dm)

Label / Distribution : Impulse !

Si, délaissant toute question d’âge, vous n’avez pas l’âme en même temps emportée et brisée quand Sonny Rollins se saisit de « Tennessee Waltz » (1989), ou quand John Scofield en fait autant avec « Wayfaring Stranger » et « Red River Valley » (pour ne citer que ces deux airs traditionnels), mieux vaut passer votre chemin. Encore que… les sept minutes de « I’m So Lonesome I Could Cry » (de Hank Williams) constituent en fait une telle monstration de swing qu’il ne faudrait pas croire qu’on n’est ici en présence d’une simple session en forme de clin d’œil à une musique parfois mal aimée sous nos climats. Car au fond - et une fois encore - la question n’est pas celle du répertoire, mais bien de la façon de l’aborder. Et de qui l’aborde et avec quels moyens. C’est le moment de relire la liste des musiciens de ce quartet.

Donc vous avez compris. Car non seulement c’est John Scofield qui s’empare de ces airs (trop ?) bien faits pour la guitare, mais encore vous avez un diable d’organiste en la personne de Larry Goldings (excellent aussi au piano), un bassiste qui se fait oublier avant qu’on réalise que tout ne se déroule aussi bien que par le ruban de sa grâce, et un batteur (je le gardais pour la fin) qui n’a pas son pareil pour glisser de si légers roulements redoublés entre deux notes du soliste qu’on se demande où il a appris à faire ça. J’espère que vous aimez le jazz…

Ensuite, c’est chacun pour soi avec son rapport au cinéma (Nashville de Robert Altman, revu récemment), au roman américain et à la chanson qui est née là-bas suite à divers débarquements d’émigrants chassés par diverses causes. Et on n’oublie pas, bien sûr, que ce qui est chanté et dansé là n’aura été possible que par le génie et la ténacité d’être humains déportés. D’où mon allusion initiale à Sonny Rollins. Qui sait tout à fait choisir son répertoire…