Chronique

André Jaume

Retour aux sources

André Jaume (ts, comp)

Label / Distribution : Durance Solo / Absilone

Après le bassiste Laurent David et son album Naked, Retour aux sources est le deuxième rendez-vous discographique en solo proposé par le label Durance, implanté du côté des Alpes de Haute-Provence. Cette fois, c’est le saxophoniste André Jaume – bientôt 80 ans ! – qui s’y colle. Qu’on ne voie là cependant aucun effet secondaire de la période de confinement à laquelle nous devons nous astreindre en ce printemps 2020 : non seulement parce que cet enregistrement date d’il y a deux ans, mais aussi parce que c’est avant tout l’idée d’une collection qui est mise en œuvre à l’instigation d’Alain Soler, et pas l’obligation faite aux musiciens de rester à domicile !

Surtout qu’en ce qui concerne André Jaume, la traversée musicale en solitaire n’est pas inédite. Il faut remonter en effet plus de quarante ans en arrière (en 1977 si on veut être précis) pour constater qu’à l’époque déjà, cette tentation avait abouti chez lui à l’album Le Collier de la colombe. Celui qui allait par la suite multiplier les duos (Joe McPhee, Jimmy Giuffre, Raymond Boni, Daniel Humair, Charlie Mariano, Steve Lacy, Alain Soler, Raphaël Imbert…) défrichait une voie périlleuse, peu prisée de ses homologues.

Une récidive donc, avec pour viatique douze compositions originales assorties d’une reprise de Willem Breuker. Et c’est d’abord le son, puissant et droit, sûr de son fait, qui vous happe. C’est une texture musculeuse et souple dont la force pourrait évoquer celle d’un Sonny Rollins, ainsi que le souligne Jean Buzelin dans ses notes de pochette. Peu enclin à la vélocité et encore moins à la tentation virtuose, André Jaume préfère installer des climats aux couleurs profondes, avec leurs nuances dosées au fil des mélodies. Il prend le temps de poser son phrasé, s’imposant des respirations pour mieux délivrer un souffle qui est en réalité celui d’un conteur d’histoires, jusqu’à l’émouvant final « Gospel pour Jean-Pierre ». Tant il est vrai qu’il faut avoir des choses à dire pour parcourir ainsi la gamme des émotions sans susciter l’ennui et retracer en quelques moments une soixantaine d’années passées au service du jazz.

Alain Soler, toujours lui, et Rémi Charmasson ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, eux qui rendent un hommage à André Jaume sur leur disque Mr. A.J. (également paru sur le label Durance). Les deux guitaristes y interprètent plusieurs compositions du saxophoniste ainsi qu’une série de thèmes que ce dernier affectionne particulièrement. Ceux-ci sont signés Django Reinhardt, Jimmy Giuffre, Grachan Moncur III ou bien encore Lennon / McCartney… Un hommage de l’intime, tendre et empreint de pudeur, mais souvent joyeux aussi. Ce plaisir-là, le leur, devient le nôtre : cerise sur le gâteau, il se présente comme une incitation à des allers-retours entre les deux albums, dans un petit manège enchanté.