Chronique

Magma

Eskähl 2020 (Bordeaux - Toulouse - Perpignan)

Hervé Aknin (voc), Rudy Blas (g), Sandrine Destefanis (voc), Thierry Eliez (kb), Isabelle Feuillebois (voc), Sylvie Fisichella (voc), Simon Goubert (kb), Laura Guaratto (voc), Jimmy Top (elb), Christian Vander (dms, voc), Stella Vander (voc, perc).

Label / Distribution : Seventh Records

Enregistré quelques jours seulement avant le premier confinement de mars 2020, ce double CD live est intéressant à plus d’un titre. Non qu’il donne à écouter un nouveau répertoire – celui-ci est au programme actuel du groupe, avec des compositions signées de plusieurs de ses musiciens, événement assez rare pour qu’on le souligne – mais parce qu’il révèle l’énergie particulière d’un Magma dont l’effectif avait été assez largement renouvelé quelques mois auparavant. Si l’éviction de Philippe Bussonnet, bassiste du groupe depuis près de 25 ans, avait pu surprendre, son remplacement par Jimmy Top, fils de Jannick lui-même bassiste historique de la planète Kobaïa, avait de quoi titiller les curiosités. Surtout que Christian Vander semblait de son côté se réjouir d’un swing retrouvé… On pouvait aussi noter la présence forte de deux claviers tenus par Simon Goubert, un fidèle du batteur, et Thierry Eliez, bien connu en particulier du fait de sa présence aux côtés de Didier Lockwood, révélé au sein de Magma quand il n’avait que 19 ans. Et puis des voix, toujours plus nombreuses, comme une chorale emmenée par Stella Vander et Hervé Aknin, déjà en action sur Zëss, le dernier album studio en 2019.

Une excellente prise de son, une version condensée en une heure et particulièrement percutante de la trilogie « Theusz Hamtaahk » ; un « Kobaïa » joyeusement balancé, avec ses accents jazz-rock du meilleur effet et des solistes en fête ; un double hommage : d’abord à McCoy Tyner qui venait tout juste de disparaître avec « For Tomorrow » (et, cerise sur le gâteau, un chorus de Christian Vander) puis à Michel Grailler avec un « Auroville » décliné à deux claviers ; et pour finir, une petite danse stravinskienne surgie du temps de l’album Üdü Wüdü en 1976 (« Troller Tanz »). Rien de neuf certes pour ce qui concerne le contenu, mais le sentiment de se trouver immergé au cœur d’un frémissement qui ne demandait qu’à s’épanouir encore, avant que sa course ne soit stoppée net par la Covid. Christian Vander semble avoir définitivement admis que Zëss ne signifiait pas la fin de l’histoire de Magma : à 73 ans, le batteur pourrait bien avoir en tête l’idée de profiter plus que jamais de chaque instant et de laisser sa musique fleurir dans un printemps qui ne voudrait pas en finir. Son jeu est sans doute moins explosif qu’aux premiers temps mais la pulsion vitale et l’engagement demeurent, sans concession à quelque facilité que ce soit. C’est cela qu’on aime chez lui et dans la musique de Magma : savoir qu’elle est là, présente, différente et profondément ancrée dans notre propre histoire depuis des décennies. Que les choses soient dites : on veut bien tourner d’autres pages et rester encore longtemps sur Kobaïa [1].

par Denis Desassis // Publié le 26 septembre 2021
P.-S. :

[1On pourra aussi se reporter à l’interview que Stella Vander nous a accordée.