Chronique

Andrea Centazzo

Moon in Winter

Andrea Centazzo (perc, kat mallet), Achille Succi (as, cl, shakuhachi) Daniel Barbiero (b), Dave Ballou (t), Nobu Stowe (p)

Au mitan de sa vie, le sexagénaire Andrea Centazzo est au summum de sa créativité ; percussionniste, improvisateur depuis belle lurette, compositeur et artiste multimédia, l’Italien est aussi un homme de goût : c’est sa deuxième collaboration avec le pianiste japonais Nobu Stowe dont on a déjà dit ici tout le bien qu’il fallait penser (The Soul in the Mist, Ictus, 2006).

Ce Moon in Winter compte dix morceaux dont le titre, à deux exceptions près, renvoie à l’unique (on trouve ainsi cinq « Moon in Winter » et trois « Winter Duet ») session d’enregistrement organisée pour un quintet ponctuellement rassemblé, les compositions se présentant sous la forme de duos – on l’aura compris - trios et quartets de structure variable. Un plan de route d’allure précise pour chemins intranquilles et, sous la lune hivernale, de trépidantes et exotiques aventures que dessinent l’orientalisme des cloches et des flûtes en bois (shakuhachi) sur le second « Winter Duet », ou bien une trompette dans le lointain, soutenue par les percussions variées (« Moon in Winter III »).

Le large éventail des sonorités percussives créées par le leader et compositeur engendre une organisation spatiale très raffinée, et l’oreille se promène dans des lignes sonores étendues et des couleurs variées.
Le jeu constant sur les écarts entre proche et lointain suggère tour à tour l’étouffement, la moiteur, la menace. Grincements, frottements, roulements sur peau et percussions tribales écrivent le récit d’un trajet ardu, dangereux. Enfin le jeu sur les échos aussi bien que les clins d’œil à certains clichés de l’illustration sonore cinématographique renvoient aux ambiances de jungle sombre, humides, recréées en studio pour les vieilles séries B hollywoodiennes.

Un disque en somme très narratif dans son utilisation de sons qui glissent régulièrement vers l’imitation du réel, un disque remarquablement pensé sur le plan spatial et ludique par ses motifs référentiels qui jouent avec l’identification d’atmosphères exotiques ou angoissantes tout en s’en démarquant subtilement par des bifurcations inattendues dans l’enchaînement mélodique.

Et Nobu Stowe distille comme à son habitude des airs de romance, condiment indispensable des films d’aventures viriles réussis.