Chronique

Anne Paceo

Triphase

Leonardo Montana (p), Anne Paceo (dms), Joan Eche-Puig (cb)

Mieux vaut tard que jamais : voici un disque sorti à l’automne 2008 dont Citizen Jazz avait omis de se faire l’écho ! Nul n’est parfait… Mais cet impair mérite d’être réparé sans attendre tant le charme de ce disque est évident. Il aura fallu une brève rencontre, l’été dernier à Lyon, avec cette batteuse pétrie de talent pour que remonte sur le haut d’une pile inépuisable son disque en trio, Triphase [1]. Qu’Anne Paceo veuille bien pardonner notre retard et sache qu’il vaut mille fois mieux que ce silence étourdi.

Comme son nom le suggère, Triphase est aussi le nom du trio. Né voici quatre ans de la rencontre entre de jeunes membres du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, il a déjà été couronné de maintes récompenses et depuis, la jeune Anne Paceo - vingt-cinq ans ! – a frotté ses balais et peaux au côté de grands noms du jazz : Henri Texier, Stéphane Belmondo, Laurent De Wilde, Andy Emler ou encore Rhoda Scott. Malgré son jeune âge, on comprend vite qu’on n’a pas affaire à une débutante balbutiant un jazz scolaire, loin s’en faut ! D’ailleurs, à seize ans elle jouait déjà auCafé de la Danse, au Casino de Paris et même au Zénith de Paris. elle n’a pas la « grosse tête » pour autant, quelques mots rapidement échangés au mois d’août dernier auront suffi pour nous en convaincre ; on a là un être humain d’une désarmante simplicité.
Ses acolytes ne sont pas en reste ; leur talent apporte un beau contrepoint au jeu tout en nuances de la batteuse : Leonardo Montana, pianiste brésilien ayant travaillé avec Chico Freeman ou, plus récemment, avec Hervé Sellin et Joan Eche-Puig, contrebassiste multicartes qui sait pointer le bout de ses cordes aussi bien dans le rock que dans le jazz, les musiques gitanes ou de danse. Une association harmonieuse et attachante.

Et même si Triphase est un parfait exemple de ce qu’est - ou doit être - un trio (à aucun moment un des musiciens, qui se partagent les compositions, toutes originales, ne tire la couverture à lui) équilibré, qu’on nous permette de suggérer qu’il ressemble fort à Anne Pacéo elle-même : la musique est souriante, aérienne, très mélodique. Et si, au gré d’une tranquille progression rythmique (« Duas Velas », par exemple), la batteuse sait frapper fort quand il le faut, jamais elle ne paraît jouer « gros bras ». Au contraire, son travail tout en finesse impose de subtiles couleurs qui peuvent faire défaut à certains cogneurs de fûts. Il y a beaucoup d’élégance chez elle, un doigté précieux dont un bon exemple est cette « Menthe à l’eau », introduite par des voix éthérées. Un petit moment de grâce parmi d’autres.

Comme le suggère un des titres, Triphase est fait de ces « Petites choses positives » qui font qu’on se sent bien en musique avec Anne Paceo et son trio - autant de petites histoires que les musiciens racontent : aucune esbroufe, jamais de démonstration inutile. Ici, il s’agit avant tout de suggérer, de donner envie plutôt que d’asséner. La musique chante dans une joie communicative et l’adhésion à cet évident plaisir de jouer est immédiate. C’est peut-être là ce qu’on se risquera à définir comme la « female touch » de ce disque, nommé dans la catégorie « Jeune talent » des Djangos d’Oor 2009. Gagnant ou pas, il mérite d’être reconnu pour ce qu’il est : une respiration bienfaisante.