Chronique

Arnotto

The Cyklop and I

Arnaud Méthivier (acc), Otto Lechner (acc), Marcel Kanche (voc, 8), Pascal Ducourtioux (perc, 9)

Label / Distribution : Cristal Records

Les deux accordéonistes Arnaud Méthivier et Otto Lechner jouent ensemble depuis une décennie, le Français ayant rencontré le célèbre Autrichien, compagnon de route de Max Nagl ou Joe Zawinul, en Slovénie, dans le cadre de ses activités de producteur à Radio France.
À l’époque, il en résulte un album, le bien nommé 14 Pieces For Accordion And Two Players (2003), qui sondait déjà toutes les ressources de l’instrument et scellait une amitié qui s’offrait à la musique. C’est aussi sur cette relation autour d’un instrument polymorphe que se fonde The Cyklop And I, nouveau disque du duo.

L’évocation de cet être mythologique tombé des songes peut faire l’objet de maintes interprétations ; la rencontre entre musiciens, bien sûr, mais plus probablement le Cyclop de Tinguely dans la forêt de Milly, une sculpture que l’artiste a édifiée à partir de poulies et d’acier comme d’autres ont bâti des cathédrales. La musique évoque le mouvement permanent de cet être étrange au fil de longues plages où le soufflet de l’accordéon se fait grave et monocorde, comme pour évoquer le temps sans cesse recommencé (« The First Step » au centre de l’album). Lechner, dont la musique a longtemps côtoyé la littérature (avec la mise en musique de textes de Kafka notamment), trouve dans la puissance de son jeu de basse des sensations ténues de contes épiques qui illumine le flot torsadé du duo.

Le propos est ambitieux, et impressionnante la qualité des interprètes. L’album d’Arnotto est une longue et inexprimable quête de l’intime qui choisit ce Cyklop comme symbole de l’union des forces, des âmes et des idées. On peut regretter que les musiciens s’enferment dans cette relation duelle, certes marquante mais un peu impénétrable, exclusive. Il faut attendre « Le blues de l’oeil » où intervient le chanteur Marcel Kanche et surtout le morceau qui clôt l’album, « A Hard Life of Labour », où s’illustre Pascal Ducourtioux aux percussions pour que la rencontre prenne un relief supplémentaire. The Cyklop and I n’en reste pas moins un album profond et complexe qui révèle, au gré des écoutes, de nouveaux chemins de traverse foulés par deux inséparables.