Chronique

Ensemble Consonance

Continuo

Judith Deroin, François Bazola (voc), Olivier Thémines (cl), Lucas Peres (viole, lirone), Cédric Piromalli (cla), Ivan Gélugne (b), Florentin Haÿ (perc)

Label / Distribution : Auto Productions

Que la musique baroque et le jazz aient deux ou trois choses en commun, l’antienne n’est pas nouvelle ; on le sait au moins depuis Jacques Loussier et le Baroque Jazz Trio, à moins qu’on s’intéresse davantage aux lumières noires des Gesualdo Variations, sans oublier Michel Godard ou Roberto Ottaviano. Dans ce contexte, l’ensemble Consonance, très impliqué dans la musique ancienne, propose un exercice qui s’inscrit dans une forme de tradition. En effet, en adjoignant des musiciens de jazz à ceux plus attendus dans cette musique, tel Lucas Peres à la viole de gambe, c’est comme une course de relais où l’un passe le témoin à l’autre. Le piano de Cédric Piromalli habille à merveille le BWV 245 de Bach avant de laisser la place aux clarinettes d’Olivier Thémines, lui même bien soutenu par une base rythmique très coloriste (Ivan Gélugne à la contrebasse, garant du continuo, et Florentin Haÿ à la batterie).

Avec un programme qui va de Monteverdi (« Lamento della ninfa ») à Purcell (« Fairest Isle ») en passant par Rameau et Bach, Consonance propose un panorama où l’on peut apprécier le chant de la mezzo-soprano Judith Derouin et du baryton-basse François Bazola. Si l’on attendait la première dans ce genre d’exercice, tant son parcours doit au jazz autant qu’au baroque, le second, fondateur de l’ensemble, ne cesse de nous surprendre. Après avoir travaillé avec une compagnie de hip-hop, le voici totalement à l’aise avec batterie et clarinette sur « Si ch’io vorrei morire » de Monteverdi, sans doute le sommet de l’album ; le dialogue des chanteurs avec Piromalli, abstrait et cogneur dans son approche, est des plus intéressants. L’idée ici est de pointer des langages communs, mais aussi d’égarer l’auditeur dans une musique ancienne pleine de paradoxes.

Dans cet exercice, le choix des jazzmen est particulièrement réussi. Cédric Piromalli et Olivier Thémines avaient déjà tangenté l’univers baroque dans Quiet chez Yolk. Quant à Florentin Haÿ (Prospectus) et Ivan Gélugne (Émile Parisien quartet), ils se fondent dans cette approche avec une grande agilité. Certes, l’exercice auquel nous invite Continuo n’est pas spécialement nouveau, mais il y a ici l’idée de ne pas travestir le baroque, pas davantage que d’imposer une thèse complexe ou une rupture sombre. Le disque se base sur le plaisir de l’échange et de la liberté, une intention louable et très réussie.