Chronique

Tomas Fujiwara

7 Poets Trio

Tomas Fujiwara (dms), Tomeka Reid (cello), Patricia Brennan (vib)

Label / Distribution : Rogue Art

On connaît Tomas Fujiwara dans de nombreux projets, à commencer par son remarquable Triple Double, où on retrouve, outre des compagnons de longue date (Mary Halvorson, Ralph Alessi…) une particularité propre à ce batteur très coloriste : la présence d’un second percussionniste à ses côtés, en l’occurrence Gerald Cleaver. On se souviendra que ce n’était pas une première. Avec Anthony Braxton, Fujiwara a enregistré un Trio (New Haven 2013) où son vis-à-vis était Tom Rainey. L’idée de la dualité, du masque, de l’interchangeabilité est très présente dans sa musique ; et il n’est pas étonnant de retrouver à ses côtés, dans ce 7 Poets Trio, Patricia Brennan au vibraphone, qui fait le lien entre une batterie d’une rare finesse et le violoncelle de Tomeka Reid. Cette autre proche de longue date, que Fujiwara accompagne dans son incroyable quartet, est elle aussi une spécialiste de la polyvalence : son rôle rythmique simple et lyrique sur « A Cruisin’ With Spencer » permet au vibraphone et à la batterie de discuter sereinement, tout en douceur.

Hormis « Questions » qui complète la pièce centrale de cet album paru chez RogueArt (« A Real Beam/Questions »), tous les titres ont été pensés pour le trio. On constate la fluidité dans le dialogue : lorsque le batteur se concentre sur ses fûts, délaissant les cymbales, c’est le vibraphone qui est en pointe. Ainsi, la construction de fond se fait davantage avec Reid, qui fait parler sa plasticité sans pareille. Puis les choses évoluent, se densifient, et la trame se fait davantage entre un archet inquisiteur et des mailloches volubiles. La cohésion est là, l’écriture de Fujiwara est d’une grande clarté et permet une véritable ouverture qui laisse beaucoup de place à chacun. Du trio, Brennan est certainement la moins connue de ce côté de l’Atlantique. Elle est pourtant membre de l’ensemble Kolossus de Michael Formanek et du Large Ensemble de John Hollenbeck. Ce trio est l’occasion de découvrir une vraie sensibilité, mise au service du collectif.

On peut qualifier le 7 Poets Trio de musique chambriste, tant l’espace et la place donnée à chacun, ainsi que la douceur environnante, sont une marque de fabrique. Bien sûr, « Gentle Soul » paraît davantage se tourner vers des versants plus contemporains et intuitifs, moins concernés par la cohésion du trio. Il ne faut pas oublier que Brennan a joué avec Meredith Monk par exemple. Mais là encore, il y a toujours une des pointes du triangle pour rassembler les apparentes brisures : ici c’est le violoncelle, avec une sérénité joyeuse, qui remet les clés à la batterie de Fujiwara, bâtisseuse et pétillante. Un modèle de liberté.