Scènes

Badbadnotgood

Festival Les 3 éléphants, 29 mai à Laval.


Le hip-hop et le bebop ont accouché de triplés qui ne ménagent pas leurs parents. Alexander Sowinski (dm), Matthew Tavares (p) et Chester Hansen (b) affichent une maturité précoce traduite sur scène par une acuité féroce.

Ils intègrent le hip-hop « comme une extension du jazz », confie le pianiste, pour qui il « a aussi ses standards ». C’est pour mieux y injecter ce qu’ils ont appris qu’ils décident en 2011 de quitter « l’académisme » du Humber College de Toronto. S’en suit leur premier effort solo avec l’album III (2014), puis leur collaboration instrumentale avec le rappeur new-yorkais Ghostface Killah sur Sour Soul (2015).

Alexander Sowinski est un de ces jouets dont, une fois la mécanique amorcée, on ne sait jamais quand ni où il s’arrêtera. Chester Hansen, lui, est d’une précision aussi discrète qu’efficace, tandis que Matthew Tavares explore ses gammes avec un jeu de mains aussi frénétique que son jeu de tête.

Le set s’ouvre en « Triangle », composition qui présente le trio autour de ses centres de gravité : la vélocité et l’impact. La reprise de « Pretty Boy Strut », du producteur Flying Lotus, illustre sa méthode privilégiée : partir d’un thème minimal accompagné de boucles rythmiques de plus en plus complexes. Au sax, Whitty rebondit sur le beat. « Velvet » transpire la samba vocale des années 1970, depuis les arrangements langoureux d’Arthur Verocai jusqu’au groove féerique du jazz-fusion de Cortex. « Kaleidoscope » condense et démultiplie toutes les orientations de Badbadnotgood. Sur des cadences serrées s’abattent des syncopes coupées au couteau, interrompues avec autant d’aisance que de brutalité.

Sur scène, les prétentions de Badbadnotgood dépassent ses intentions. Le trio fait le grand écart entre les genres, et un pied-de-nez à la tradition : il la déborde et lui accorde un baise-main à la fois, car il respecte l’irrévérence de ceux qui l’ont construite. Chez ces musiciens, l’innovation est un loisir.