Scènes

Electric Vocuhila aux Ateliers Jazz

18ème édition des Ateliers Jazz de Melsay-du-Maine (53)


Ce festival mayennais accueillait entre autres, cette année, un quartet membre du Capsul Collectif, ainsi que le quintet d’Eric Le Lann.

Electric Vocuhila

14 mai. Un matin humide et pluvieux dans les bocages mayennais, au fond de la salle des fêtes d’Arquenais, un petit garçon se trémousse sur de l’éthio-jazz progressif, debout sur sa chaise. Preuve qu’on peut faire danser et expérimenter. Ce quartet affectionne la répétition, les motifs rythmiques et mélodiques entêtants. L’élan est un tourbillon, d’un ordre presque rituel, et pourtant très festif. On se surprend alors à déceler des inspirations de free, de punk et de musiques traditionnelles qui n’ont vraiment que cette transe en commun : l’afro-beat, le free-punk, le new orleans, les musiques balkaniques ou traditionnelles celtiques, ou encore la samā des derviches tourneurs. Un ensemble hétéroclite sans être hétérogène, car il reste très intelligible.

On pourra penser au trio Jean Louis et aux Groove Catchers (eux aussi issue de l’école Jazz à Tours) pour la superposition des riffs du guitariste Boris Rosenfeld sur les déroulés du batteur Etienne Ziemniak, aidés par la dextérité musclée du bassiste Jean-François Riffaud. Maxime Bobo, compositeur, claviériste et double saxophoniste façon Roland Kirk, est le nœud gordien de la formation, point de passage entre les trois autres.

A la sortie du concert, il ne pleut plus. Signe que ces danses de la pluie électro-acoustiques ont fonctionné. Une telle prestation ne peut qu’appeler la superstition… Le premier album d’Electric Vocuhila est à l’écoute ici, le prochain verra le jour cet été grâce au financement participatif.



Eric Le Lann Quintet

En ce 15 mai, Eric Le Lann s’est entouré du pianiste d’Enrico Pieranunzi, qui a joué avec Chet Baker, et de Rick Margitza, jadis sideman de Miles. Comme il puise à la fois chez l’un et chez l’autre, on pouvait s’attendre à une triple entente. Une fois n’est pas coutume, la pratique dépasse la théorie.

Le Lann a un son plus ample qu’à son habitude, jouant moins sur les altérations que sur les variations. Il souffle dans un « tournesol » au son lumineux et volumineux. Son jeu et son phrasé gagnent en expansion ce qu’ils perdent peut-être en concision. Margitza est, quant à lui, inépuisable, à l’instar de son chorus sur « Cry Me a River ». Son phrasé est imprévisible, mais lisible. Comme Le Lann, il a le don de suggérer le thème et d’imprimer un ton résolument be-bop à l’ensemble. Il étire peu ses phrases, préférant les relances répétées et les effets de boucles. On pourra seulement s’étonner que l’inventivité du premier et la prestance du second ne se répondent pas plus souvent, ni aussi efficacement, lorsqu’ils jouent ensemble.

Pieranunzi, en très bonne entente harmonique avec le contrebassiste Sylvain Romano, démontre un doigté à l’articulation aussi souple que tonique ainsi qu’un son brillant, soutenu par un jeu fourni et généreux. Chacun est assez virtuose pour effacer ses prouesses derrière leur justesse. De même, le batteur Donald Kontomanou donne ici une leçon de précision. Ainsi, bien que possédant chacun une personnalité bien distincte, ces cinq musiciens ne se sont jamais en concurrence. Il y a parfois paroxysme, mais jamais surenchère.