Chronique

GoGo Penguin

Man Made Object

Chris Illingworth (p), Nick Blacka (b), Rob Turner (dms)

Label / Distribution : Blue Note

Après son premier album v2.0 (2014), le trio confirme sa volonté de mettre l’électronique en acoustique. Un pari explicite et assumé, qui ne demande donc qu’à être prolongé.

Là où un musicien électronique comme Ludovic Navarre (St Germain) voulait digitaliser la complexité rythmique des ensembles acoustiques, Gogo Penguin effectue l’opération inverse : « Nous recréons de la musique électronique à partir d’instruments acoustiques. Comme un artefact qui finit par s’humaniser », explique ainsi le pianiste Chris Illingworth. Indéniablement, le trio mancunien est imprégné de la scène acid-jazz et nu-jazz qui est née chez eux. Ce n’est pas un hasard si le groupe répète à la Wellington House, ancienne usine de fabrication textile devenue résidence de la jeune scène artistique de Manchester.
Ainsi les boucles hypnotiques d’« Unspeakable World » renvoient autant aux travaux d’Aphex Twin qu’aux scènes de rouages des Temps Modernes de Chaplin. Des cadences pendulaires, des rythmes hyper séquencés. Bref, le nerf, le tournis : l’ivresse du travail. Le Man Made Object, c’est l’homo fluxus, l’animal machine qui travaille sans silence ni pause. C’est l’esprit même de toutes ces boucles rythmiques et harmoniques qui se superposent et s’agrègent, parfois jusqu’à la saturation.

Tout n’est pas que « burn out ». Le trio sait aussi ménager quelques espaces qui deviennent des respirations d’autant plus précieuses. Les titres « Quiet Mind », « Surrender To Mountain » et « GBFISYSIH » redonnent la parole aux déplacements harmoniques, donnant plus de latitude à Chris Illingworth et au batteur Rob Turner. Le spirituel y a aussi sa place. Preuve qu’ils savent explorer autant que surenchérir. Les attentes pour le prochain album peuvent donc être revues à la hausse.