Chronique

Brad Mehldau

Largo

Brad Mehldau (p, vb), Larry Grenadier (b), Darek ’Oles’ Oleszkiewicz (b), Matt Chamberlain (dr), Jorge Rossy (dr), Jim Keltner (dr), Justin Meldal-Johnson (b), Victor Indrizzo (dr & perc), Jon Brion (g, g synth, et autres).

Label / Distribution : Warner Bros.

Brad Mehldau est beau. Brad Mehldau est beau et talentueux. Parfois, les gens me disent que Brad Mehldau est un mutant, mais je ne les crois pas.

Dans la vie, Brad Mehldau fait ce qu’il veut. Il se promène, et quand il rentre chez lui, il s’assied derrière son piano et y convoque nos souvenirs en évoquant les siens, preuve de son talent.

Pour Largo, il était au « Largo ». Facile.

Le « Largo », c’est un club de Los Angeles, le club où traîne Jon Brion. Jon Brion est musicien-producteur-touche-à-tout (ce n’est pas bon pour la santé, mais c’est important pour la suite). Au Largo, Brad « rencontre » Jon. Les deux hommes s’apprécient, puis décident - près d’un an plus tard, je résume - de passer en studio. Là commencent les ennuis.

D’abord, il y a des instruments partout et beaucoup plus de musiciens que d’habitude. Il faut bien leur écrire des notes à jouer, mais c’est un petit studio, il n’y a pas de table : Brad s’en moque, il écrit ses partitions par terre, sur un bout de moquette. Il est comme ça, Brad.

Et puis il y a Jon. Il est bien gentil Jon, mais l’organisation, c’est pas son truc : il déplace les micros tout le temps, il tourne les boutons dans tous les sens, il trafique les instruments ; résultat, en six jours, il vous retourne le studio. Et la moitié de l’album par la même occasion.

Heureusement, Brad a des amis : Larry et Jorge évidemment, mais aussi Darek et Matt, qui tous lui remontent le moral en lui offrant de somptueux écrins rythmiques (Dusty McNugget, Dear Prudence, I Do, Franklin Avenue et un Paranoid Android magistral) là où Jon n’a rien d’autre à proposer que de tristes boites (Sabbath, Alavarado et ce Wave, insultant pour Jobim et désobligeant pour la Jungle. Des présents qui le confortent dans un jeu libre et aérien, à la frontière du binaire-pop et du ternaire-swing. Des présents qui, somme toute, augurent de futurs captivants…

Alors Brad se dit finalement que tout cela n’est pas très grave. Il se lève de son piano et retourne se promener, pour nous ramener de nouveaux souvenirs.

Car Brad Mehldau est beau et talentueux. Et si il lui arrive de commettre des erreurs parfois, c’est bien parce qu’il prend des risques. Preuve que c’est un homme.