Chronique

Charlie Hunter Quintet

Right now move

Charlie Hunter (g, pandeiro), John Ellis (ts, bcl), Derek Philips (d), Grégoire Maret (hca), Curtis Fowles (tb).

Label / Distribution : Ropeadope

Nonchalance. Malice. Spontanéité. Des mots qui font cruellement défaut lorsque l’on se débat avec le quotidien, englué dans les contraintes, le sérieux et l’inéluctable futile. Le dernier opus de Charlie Hunter est un véritable remède contre le spleen, conjuguant intelligemment un quintette très original dans l’association des instruments et un groove urbain qui déambule tranquillement d’un pas chaloupé. Le cerveau bouillonnant de Charlie Hunter, véritable touche-à-tout qui joue d’une guitare hybride à huit cordes (cinq cordes de guitare auxquelles sont ajoutées trois cordes de basse) lui permettant d’assurer simultanément le double rôle de guitariste et de bassiste, s’exprime pleinement dans la palette de compositions personnelles qui nous sont livrées ici. Entre funk gras et rond hommage à Fred Wesley (Try), funk élémentaire et lent (Oakland), variations autour d’un thème de rue cubain (Changui), groove dopé débordant de breaks rythmiques (Whoopass), groove au thème mystérieux et cartoonesque enrobé d’une ligne de basse salsa (Freak Fest), ballade reposante qui clôt la fête (Le Bateau Ivre), chacun peut y puiser une étincelle d’entrain qui laissera l’œil pétiller un peu plus longtemps qu’à l’habitude.

La spontanéité du groupe est sidérante et on sent que certains morceaux ont pris au fur et à mesure de leur élaboration une direction tout à fait différente de l’intention initiale (20th century, Mali et Changui notamment). Les joyeux lascars ne résistent pas non plus à l’envie de nous gratifier de deux courts Interludes dont l’enregistrement semble avoir été volé entre deux prises, interludes où l’on entend Charlie Hunter jouer du pandeiro (instrument national du Brésil, sorte de tambourin constitué d’une peau accordable) bientôt rejoint par les infatigables souffleurs de la section de cuivres.

Mais au delà de ce patchwork festif, on pourra déceler une vraie recherche dans les arrangements, que ce soit au niveau harmonique ou purement sonore grâce à la conjonction idéale du saxophone ténor ou de la clarinette basse, du trombone et de l’harmonica. De plus, place est laissée à chacun des instrumentistes pour de riches interventions en solo. Dans ce disque, Charlie Hunter se révèle donc particulièrement inventif, excelle dans la direction des musiciens tout en leur laissant un grand espace d’expression, et nous transmet le plaisir du jeu et du partage résultant entre autres d’années de pratique de la musique de rue. Une réussite.