Chronique

Christophe Delbrouck

Les extravagantes aventures de Frank Zappa (Acte 2)

Label / Distribution : Castor astral

Après un Acte I qui nous emmenait dans le bouillonnement des années 60, les premiers gigs des Mothers of Invention, les aspirations créatrices de Frank Zappa et les pires horreurs infligées aux légumes, la seconde partie des Extravagantes aventures de Frank Zappa était fort attendue. Pas seulement parce que Christophe Delbrouck est l’un des grands spécialistes français du divin moustachu, mais aussi parce que la période étudiée, de 1971 à 1979, est décisive dans la posture que le compositeur décide d’adopter face à l’industrie du disque et à la musique sérieuse. Quitte à devenir un véritable héros de roman.

De concert en concert, de tournée en tournée et d’orchestre en orchestre, Frank Zappa a durant cette période accumulé les situations romanesques, de la chute dans la fosse d’orchestre aux déboires avec la Warner à l’époque où il ne pouvait même plus sortir ses disques. Ou pire que tout, lorsque ceux-ci sortaient sans qu’il ne le sache ou ne puisse le contrôler. Une torture qui ne s’arrête jamais pour un control freak comme Zappa. Avec une volonté d’aborder son sujet avec simplicité et l’œil d’un observateur caméra à l’épaule, Delbrouck suit l’excitation des créations de Waka-Jawaka et du Grand Wazoo, les rencontres décisives avec Ruth Underwood et George Duke et les réactions diverses aux provocations verbales de « Jones Crusher » ou « Broken Hearts Are for Assholes ».

En creux, Delbrouck nous présente une facette finalement peu connue de Zappa, ou du moins largement oblitérée dans l’histoire officielle. Ce qui se cache derrière la satire et les prouesses musicales : un créateur fragile, cerné par les problèmes d’argent et la volonté de s’intégrer dans le Billboard tout en ne perdant pas en rigueur artistique. Capable de se battre jusqu’à la moelle pour qu’on puisse écouter son savant « The Adventures of Greggery Peccary » tout en se moquant des punks et de leur minauderies justes bonnes à vendre des épingles à nourrice. Un être complexe, donc, et exigeant, fourmillant d’idées et de projets, mais aussi capable de moments d’abattement ou de dureté avec ses musiciens. Surtout le portrait d’un artiste humain qui n’a jamais lâché et finalement gagnera le combat, à la toute fin, avant d’attendre la saison 3 et les années 80. Palpitant.