Tribune

Claude Tchamitchian, chêne et roseau

Trois questions pour un portrait amical


Histoire d’en savoir un peu plus sur Claude Tchamitchian, nous avons posé les trois mêmes questions à des musiciens qui croisent sa route depuis deux décennies. Si le public connaît le contrebassiste, il connaît moins l’homme. Une personnalité solide, blagueuse, avenante et endurante.

Andy Emler (piano)

1) Racontez-nous votre relation musicale avec Claude Tchamitchian ?
Confiance et amitié
2) Que vous inspire sa musique ?
Sincérité et engagement
3) Quelle anecdote illustre le mieux l’homme que vous connaissez ?
Génie de la répartie verbale pour nous faire rire… (trop d’anecdotes croustillantes)


Christophe Marguet (batterie)

1) Racontez-nous votre relation musicale avec Claude Tchamitchian ?
Elle date du début des années 90 aux Instants Chavirés, Claude jouait avec Eric Watson en trio. J’avais adoré ce concert et je me suis immédiatement dit que j’avais très envie de jouer avec ce contrebassiste, ce qui n’a pas traîné et n’a jamais cessé depuis. Très peu de temps après, nous avons commencé à travailler ensemble avec les groupes de Claude Barthélémy, Eric Watson, François Corneloup, et enfin les projets de Claude : un premier quartet « américain » avec Herb Robertson et Mat Maneri puis « Ways Out » avec Rémi Charmasson et Régis Huby, et enfin son nouveau projet sur le centenaire du génocide arménien avec François Corneloup, Daniel Erdmann, Géraldine Keller, Philippe Deschepper.

2) Que vous inspire sa musique ?
Une très belle idée d’être ensemble, tout en restant soi-même au travers de son univers, ce que celui-ci permet.
Des mélodies magnifiques, une vibration profonde et libre, une énergie hors du commun

3) Quelle anecdote illustre le mieux l’homme que vous connaissez ?
Ce serait plutôt la célèbre fable : Le chêne et le roseau, mais chez Claude, ça ne fait qu’un seul arbre !

Claude Tchamitchian © F. Bigotte

Antoine Hervé (piano)

Claude est un musicien dans l’âme, à l’écoute des autres. Il a un très beau son de contrebasse, une justesse élégante, une dévotion totale à la musique.
Un bâtisseur sur lequel peut s’appuyer le groupe. J’aime aussi son humour et le rire qui lui sert parfois de protection.


Guillaume Roy (violon alto)

Ce qui résume le mieux Claude ? Sans doute l’appétit… de vie, de jouer, de liberté, de travail, de rire, d’amitié, de générosité, de partage, d’être ensemble,
Claude est un gourmand de la vie, un fou de musique bien sûr, mais aussi de cuisine - excellent cuisinier - de très bon vin et de rugby. Jouer avec lui c’est tout ça. C’est sans doute l’un des musiciens les plus physiques avec qui je joue, et sans aucun doute celui pour lequel les « à côtés » de la musique ont le plus d’importance… et c’est tant mieux.
Claude, dans sa musique, cherche en permanence à la fois le plus de liberté possible et une grande accessibilité, il me semble que c’est vraiment dans ses préoccupations premières.
Une anecdote ?
J’ai 5 000 anecdotes avec lui, mais la première fois que j’ai rencontré Claude, nous nous connaissions déjà musicalement bien sûr, mais n’avions jamais parlé. En moins de 10 minutes il me montrait, très heureux, une photo de la cuisinière qu’il venait d’acheter (une Lacanche si j’ai bonne mémoire) ! Depuis, j’ai souvent aimé ce qu’il faisait avec.


Stephan Oliva (piano)

1) Racontez-nous votre relation musicale avec Claude Tchamitchian ?
Je connais Claude depuis la fin des années 80, époque où nous avions formé un trio avec Jean-Pierre Jullian à la batterie.
Nous avions alors beaucoup travaillé dans le souci de trouver un son et une identité qui nous étaient propres, ce qui avait séduit à l’époque Jean-Jacques Pussiau du label Owl Records.
Depuis, à intervalles réguliers, nous n’avons cessé de croiser nos chemins musicaux avec toujours le même plaisir, dans toutes sortes de formules allant du duo, trio, quartet… au « Grand Lousadzak »

2) Que vous inspire sa musique ?
Comme souvent dans le jazz, la musique que nous composons et improvisons finit par nous ressembler, et c’est particulièrement vrai pour celle de Claude qui révèle sa personnalité riche et complexe.
Mais avant même l’élaboration d’une musique, le son de Claude sur la contrebasse, très vivant et intériorisé, nous saisit immédiatement et nous touche profondément.

3) Quelle anecdote illustre le mieux l’homme que vous connaissez ?
On a tellement d’anecdotes ensemble que ce que j’en retiens ce sont surtout nos nombreux fous rires dans la vie, et le même bonheur à explorer nos musiques ensemble !

Raymond Boni (guitare)

Je trouve ces questions peu appropriées à ma relation avec Claude. Malgré tout, je vais essayer d’y répondre, bien sûr, à ma façon.

Il y a 25 ans un jeune homme, par l’intermédiaire de mon amie Françoise Bastianelli, est venu me rencontrer en demandant si je voulais bien l’initier à l’improvisation libre, totalement libre. Tant bien que mal un duo en est ressorti, enregistré sur le label « Emouvance » qui m’a souvent produit par la suite.

Claude Tchamitchian a donc créé, avec une équipe dévouée, le label « Emouvance », à la fois producteur et éditeur, porté depuis plus de 20 ans et à bout de bras par Françoise Bastianelli.

Voici une anecdote que Claude lui-même m’a racontée il y a 25 ans. Très jeune, à Orléans, venant du rock, il aperçoit une contrebasse dans une vitrine, se renseigne sur le nom et la fonction de cet instrument, et l’achète.

Après une approche totalement autodidacte, il travaille pendant quelque temps une ligne de basse du contrebassiste Ray Brown. Puis il se rend au club où se produisait le pianiste Siegfried Kessler, et lui demande s’il peut faire le bœuf ! À la fin, Siggy lui conseille de travailler et d’aller immédiatement s’inscrire au conservatoire. Ce qui était très encourageant et généreux de la part de ce grand musicien.

Claude a relevé le défi ! Et depuis il travaille toujours aussi dur.

Bonne chance Claude.


Edward Perraud (batterie)

1) Racontez-nous votre relation musicale avec Claude Tchamitchian ?
Tcham.
C’est un pilier (comme au rugby).
Comme les fondations d’une maison.
Sur lequel tout peut et doit s’appuyer.

A la contrebasse en mode pizz, c’est LE sustain en quête d’absolu ! Ce qui me touche chez lui c’est qu’il est réellement à la recherche du son pur… (jamais vraiment satisfait et c’est une grande qualité selon moi). Son engagement physique est hors norme.

En mode archet, c’est identique, on entend une Âme dans ses solos.
Jouer avec un musicien comme ça c’est un cadeau. C’est un peu comme un champion de tennis qui joue avec vous : il vous fait bien jouer. Une finale de Roland Garros à chaque fois.

2) Que vous inspire sa musique ?
C’est une grande sensibilité dans un corps de lutteur. La contrebasse lui va si bien…
Sa musique est la rencontre du terrestre et du céleste, il y a cette dualité sous-jacente en lui je pense.
Dans son Acoustic Lousadsak, on sent fortement aussi ses origines arméniennes, mêlées à l’aspect savant du classique et la vivacité du musicien de jazz qui réagit instantanément.

3) Quelle anecdote illustre le mieux l’homme que vous connaissez ?
Claude est extrêmement endurant, il peut enchaîner des concerts d’un jour à l’autre, d’un bout de l’Europe à l’autre et parfois en conduisant lui-même sa voiture non stop… sans dormir.
C’est très impressionnant !
Quelqu’un qui possède une force de travail à toute épreuve mais qui n’a pas oublié l’essentiel : profiter de la vie, partager les plaisirs de la table avec ses amis, un sens de l’humour bien aiguisé…
Bref la grande classe !


Ramon Lopez (batterie)

1) Racontez-nous votre relation musicale avec Claude Tchamitchian ?
La première fois que j’ai rencontré Claude, c’était vers la fin des années 80 avec « Le Bal de la Contemporaine » de Pablo Cueco.
L’arrivé du « Lousadzak » en 1994 marque le début d’une vie de musique ensemble. Une bonne vingtaine d’années où on n’a pas cessé de partager la scène et les studios.
Il serait trop long de citer tous les musiciens merveilleux avec qui j’ai partagé toutes ses aventures, mais parmi eux, j’ai une pensée spéciale pour ceux de notre génération : chacun était au début de quelque chose, d’une recherche personnelle… On sentait aussi un changement dans le monde du jazz en France. On apprenait la musique ensemble en jouant sans arrêt, en faisant toute sortes d’orchestres… On s’est imbibé de jazz moderne, de musiques traditionnelles… On ne pensait qu’à ça !

Avec Claude, on a l’habitude d’arriver toujours très en avance pour s’installer sur scène… dès que je le vois apparaître, un fou rire d’enfant… trop heureux des retrouvailles !
Et une chose est sûre, je sais déjà que la musique sera sérieusement au rendez-vous !

3) Quelle anecdote illustre le mieux l’homme que vous connaissez ?
Une anecdote ? Culinaire ! Mais… pas de celles qu’on imagine sachant quel cordon bleu il est !
Il y a longtemps, en Arménie, j’ai failli lui faire le bouche à bouche et le reste à cause d’une intoxication alimentaire due à un foie de veau (périmé depuis la naissance du Mont Ararat !). Fallait bloquer le Tcham en pleine crise de convulsions !
Claude est pour moi bien plus qu’un partenaire musical d’exception ou un très bon et généreux ami… Il est mon frère. Il y a tant de choses personnelles qui nous réunissent, tant de désirs de musique et de confiance sur scène. Après un long voyage il est arrivé à l’excellence ! Un son, une énergie et un langage personnel dignes des plus grands jazzmen.

Kenatse Tcham !


Gérard Siracusa (batterie)

1) Racontez-nous votre relation musicale avec Claude Tchamitchian ?
Mes souvenirs remontent à l’époque de mon quartet avec Sylvain Kassap (sax/clar), Thierry Madiot (tb) et à quelques concerts mémorables dont on me parle encore au Festival de Nevers, aux Instants Chavirés…

2) Que vous inspire sa musique ?
Générosité - tendresse - profondeur.

3) Quelle anecdote illustre le mieux l’homme que vous connaissez ?
Un after au Jazz Club de Moulins qui s’est largement étalée dans la nuit où Claude enchaînait blague sur blague avec brio, et l’image du contrebassiste miraculeusement charmeur de lions se faisant dévorer par le seul lion… sourd.