Chronique

Jacques Thollot

Tenga Niña

Jacques Thollot (dm, perc) ; Noël Akchoté (g) ; Claude Tchamitchian (b, toms-toms) ;Tony Hymas (p, tambourin, zeste de Kurzwei) ; Henry Lowther (tp) ; Marie Thollot (voc)

Label / Distribution : Nato

Quelques mois après la disparition de l’immense Jacques Thollot, nato a réédité son dernier disque en date, Tenga Niña, sorti en 1996. L’occasion de rattraper le temps perdu pour ceux qui n’avaient pas encore pu se régaler des mets concoctés par ce maître du contrepoint coloriste et dansant, ni des mélodies évidentes dont il parsème chaque morceau à pleines poignées.

Ils pourront, les bienheureux, éprouver dès les premières secondes du disque les divins frissons d’aise et d’admiration qu’on éprouve à l’écoute de ces airs mariachi et flamenco esquissés en traits cubistes et rehaussés de fausses reprises bancales à la beauté fracassante. Suivre les trajets sinueux du couple piano et batterie, si intimement enchâssés car pensés ensemble, parvenant plus d’une fois à sonner comme un seul et même instrument. Et puis il y a la guitare de Noël Ackchoté, légère et flâneuse, puis hérissée et mordante dans le même mouvement gracieux, avant de revenir en souplesse aux chaloupes précédentes. Des lenteurs sublimes, solennelles, des richesses qui se bousculent en cascade joueuse.

Cette réédition s’enrichit d’un livret rassemblant les éloges qui accompagnèrent la sortie du disque ainsi que des extraits d’interviews, le tout illustré de photos d’une année de tournée avec peu ou prou les mêmes musiciens. On est frappé par la joie qui ressort de cette vingtaine de pages : bonheur des admirateurs de retrouver le musicien après une éclipse de dix-huit ans, enthousiasme, chez ce dernier, d’avoir réussi à refaire un disque, à se remettre à jouer cette musique qui le déborde. Mais c’est une joie paradoxale, porteuse en elle d’une infinie tristesse quand on songe que cette euphorie fut sans lendemain et que jamais Jacques Thollot n’est parvenu à enregistrer de nouveau ses compositions.

Raison de plus pour chérir ce qui restera donc son dernier témoignage, ce disque traversé par l’idée de transmission, nommé d’après l’apostrophe d’une fillette à la sienne, Marie, il y a trente ans, du côté de Montagnac ; un disque marqué par la reprise de la correspondance - par morceaux interposés - avec l’âme sœur Don Cherry, ici par l’intermédiaire de sa fille Neneh (« To Neneh by Don from Jacques »).

Enfin il y a Marie Thollot, dont le chant clôt le disque avec « L’Au-delà » qui s’achève sur ces mots : « Je disparais émerveillée »…