Chronique

Cristiano Calcagnile Anokhi

Inversi

Giorgio Pacorig (p), Gabriele Evangelista (b), Cristiano Calcagnile (dms)

Label / Distribution : We Insist !

S’il semble difficile aujourd’hui de se renouveler dans le cadre historiquement balisé du trio piano/contrebasse/batterie, force est de constater que certains ne se découragent pas et cherchent encore à naviguer dans cette forme. C’est le cas du batteur italien Cristiano Calcagnile : quelques mois après un très remarqué Cats in The Kitchen en compagnie de Silvia Bolognesi, il revient avec un nouvel orchestre interroger le triangle. Pour l’accompagner cette fois dans cet orchestre nommé Anokhi, deux figures de la scène italienne : d’abord le fidèle Gabriele Evangelista, contrebassiste de son Multikulti et compagnon de route d’Enrico Rava. Ensuite, le pianiste Giorgio Pacorig qu’on avait pu entendre chez Ottaviano entre autres. Le résultat, tel qu’on l’entend dans « Inversi » où Pacorig joue avec une certaine fougue, est résolument différent de ce que propose habituellement Calcagnile, plus classique d’apparence ; du moins le croit-on, jusqu’à ce que l’archet d’Evangelista vienne porter un regard plus abstrait.

Le batteur, lui, déborde d’inventivité. Sur « Litok », où le pianiste joue la carte d’une douceur teintée de pénombre, alors qu’une mélodie émerge, c’est Calcagnile qui se charge d’accélérer le mouvement, apportant une urgence dans ce qui semblait empreint de quiétude. Cela débouche sur une remarquable solo de batterie qui laisse la place à un dialogue entre contrebasse et piano d’une grande poésie. Alors que Pacorig ne sondait guère les basses main gauche, il est poussé vers les profondeurs dans ce titre qui reste le sommet de l’album. Ailleurs, dans le très doux « Malware », on retrouve cette alliance entre clavier et archet en un dialogue sensible que vient souligner le batteur dans une approche très coloriste.

Autant le dire, Cristiano Calcagnile nous a habitués à des embardées plus free. Il est très intéressant toutefois de l’entendre dans d’autres contextes où le pianiste définit le climat, plus porté à la contemplation. Mais rien n’est immuable dans la musique du batteur, qui signe ou cosigne tous les morceaux, et le bien nommé « Furioso » est là pour faire parler la poudre : le piano se fait lui aussi plus cogneur et la contrebasse, vindicative. Tout en maîtrise, Inversi est l’occasion de découvrir une nouvelle facette du batteur transalpin. Le trio Anokhi, que le label We Insist nous permet de découvrir, est un petit modèle d’équilibre.

par Franpi Barriaux // Publié le 19 mars 2023
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