Chronique

David Neerman

Noir Lac

David Neerman (comp, vibra) ; Lansiné Kouyaté (bala, marimba) ; Krystle Warren (voc) ; Ensemble Sequenza 9.3

On connaît bien le vibraphoniste David Neerman pour ses propositions artistiques très ouvertes en duo avec le joueur de bala et marimba Lansiné Kouyaté. On sait leur façon d’aller puiser sans retenue dans les répertoires les plus hétéroclites.
Ce disque, qui est porté par Neerman, montre une fois de plus que cette curiosité et cet appétit pour les rencontres fécondes est payant. Le projet débute à l’Abbaye de Noirlac en 2013, lors d’une résidence du duo Neerman/Kouyaté qui découvre, en jouant dans le bâtiment vide le soir, la puissance mystique des vieilles pierres. Il n’en faut pas plus pour que cette force les pousse à assembler des éléments, comme un alchimiste, en faisant participer la chanteuse Krystle Warren, l’ensemble vocal Sequenza 9.3 dirigé par Catherine Simonpietri et l’arrangeur Manuel Peskine. Du grain à moudre qui nécessite une seconde résidence avant un premier concert en 2015. Depuis, le projet se faisait attendre ; il se concrétise enfin.

La modalité musicale est millénaire et n’est pas l’apanage de la musique écrite européenne : elle touche toutes les expressions artistiques, tous les continents. Cette modalité, en étirant le socle harmonique sur lequel les voix s’accordent, permet de donner aux sons toute leur place pour qu’ils s’étalent et emplissent, comme une brume, l’espace et l’instant où ils sont joués.

Les compositions de David Neerman suivent ce schéma et la voix légèrement rauque de Krystle Warren tient tête au chœur Sequenza 9.3 dont les vagues lentes se soulèvent comme une houle. On trouve, glissé là, deux reprises, « Us and Them » de Pink Floyd et « Friends » de Led Zeppelin qui, après écoute, ont toute leur place. Inutile de chercher à séparer le grain de l’ivraie.

Et tout au long de cette cérémonie vocale et aérienne, on sent la pulsation rotative et ternaire du vibraphone, du bala et/ou du marimba qui avance le temps, pulsation rebondissante, au point qu’on ne puisse presque plus discerner les deux musiciens. Leur long parcours en duo leur a donné une pâte musicale quasi-fusionnelle, si bien qu’on croit avoir affaire à quelque centaure ou à des frères siamois.

Un disque pas si éloigné du jazz qu’il en a l’air, par sa liberté, son syncrétisme musical et le jeu improvisé aux lamelles de métal ou de bois. Une petite pépite à part.