Chronique

The Lips

Muggwump

Claude Whipple (voc), David Neerman (vib), Antoine Simoni (b), David Aknin (dms)

On connaissait Claude Whipple guitariste : il nous avait déjà enchantés avec son groupe Quinte & Sens (Copeaux). C’est avec la même énergie, mais dans une atmosphère très différente, plus crue, plus urbaine, qu’on le découvre chanteur de The Lips pour un premier album - intitulé Muggwump - à l’acidité corrosive.

Le quartet, où s’illustre particulièrement le vibraphoniste David Neerman, tout en effets et en pédales, s’appuie sur une énergie rock où se mêlent diverses influences, de Prince à Zappa en passant par le groove virulent de Fishbone ou le hip-hop élégant de A Tribe Called Quest. Grâce à une base rythmique efficace où se côtoient le contrebassiste Antoine Simoni et le batteur David Aknin, le son de The Lips reste continuellement fiévreux, entre funk cabossé et électrification bourdonnante, toujours au sommet d’une virulence entretenue par la cohésion d’ensemble.

C’est cette tension un peu floue qui permet à Whipple de distiller une scansion dégingandée, entre slam alcalin et chanson traînante - parfois acrimonieuse -, comme sur ce « Speach » où la répétition d’une phrase sous toutes sortes d’effets semble vouloir déstabiliser l’auditeur, le placer dans un état second où la musique se trouve déjà, comme un décalage de perception. C’est ce ton parfois un peu décalé qui donne à Muggwump une couleur particulière, presque inquiétante. Ainsi, même les reprises - l’impétueux « Sign’o The Times » de Prince ou, mieux, le fédérateur « Come Together » des Beatles - prennent une teinte pernicieuse qui acidifie encore le propos. Ce « Come Together »-là est particulièrement impressionnant tant le matériau de départ, certes riche, es transfiguré par la chaleur de The Lips, pour devenir une sorte de funk languissant et huileux, tout à fait séduisant…

Notons que le mot « Muggwump » fait allusion au Festin Nu de Burroughs. Les Muggwumps, dans la lente hallucination de l’écrivain, étaient ces bestioles dont chaque parcelle se transformait en un puissant psychotrope qui induisait une puissante divagation, entre excitation et vague sentiment d’errance. On ne saurait trouver meilleur résumé, en creux, à cet album…