Chronique

Dee Dee Bridgewater

Red Earth A Malian Journey

Dee Dee Bridgewater (voc), Edsel Gomez (p), Ira Coleman (b), Minino Garay (dm, perc), Baba Sissoko (perc), Kassé Mady Diabaté (voc), Djelmady Tamkora (g), Fantamady Kouyaté (g), Toumani Diabaté (kora), Habib Dia Sangaré (perc), Adama Diarra (perc), Laminé Tounkoura (perc), Alou Kouloubali (calebasse), Mamani Keita (voc), Ramata Diakité (voc), Aly Wagué (fl), Ami Socko (voc), Kabiné Kouyaté (voc), Cheik Tidiane Seck (elp), Oumou Sangaré (voc), Tata Bambo Kouyaté (voc), etc.

Label / Distribution : Emarcy / Universal

Dee Dee Bridgewater, qui nous a habitués à se frotter à différents types de jazz, est capable du meilleur comme du moyen.

Bien qu’ayant voyagé à travers le monde, elle n’avait jamais mis les pieds au Mali. Pourtant, au contact de cette terre rouge, elle a ressenti un choc unique, en découvrant une partie de son identité. À travers cet album, elle raconte, avec la sincérité d’une vraie rencontre, un retour aux sources.

Red Earth, A Malian Journey est plein d’émotions dénuées de tout sentimentalisme convenu. La chanteuse livre ici un intense et passionnant témoignage, sans voyeurisme. Loin d’un folklore facile ou d’une énième tentative de joindre le jazz à la musique du monde, Bridgewater réussit un métissage quasi parfait, et installe de vrais ponts entre les continents et les hommes.

Plus que jamais, elle chante avec le cœur. Et autour d’elle, au-delà d’un groupe de musiciens, elle a réuni une famille. Une famille nombreuse dans laquelle on retrouve les grands noms de la musique malienne - tels Baba Sissoko, Ramata Diakité, Oumou Sangaré ou encore Toumani Diabaté - mais aussi ses fidèles compagnons Edsel Gomes, Ira Coleman ou Minino Garay.

Avec de tels ingrédients, il est normal que le mariage soit réussi. Les chants traditionnels, où se fond avec bonheur la chanteuse, prennent ici toute leur saveur et leur force. Toutes ces voix, généreuses, enjouées ou tristes, se mêlent en un florilège d’émotions et de couleurs.

Sur des chansons maliennes, l’Américaine a posé des paroles comme autant de témoignages spontanés. Cette terre africaine semble l’avoir touchée profondément. Elle met sa voix au service des chants traditionnels comme si ceux-ci l’avaient toujours habitée. Elle échange avec les autres chanteuses (les divines Ramata Diakité ou Oumou Sangaré) des dialogues brûlants, partage et se met parfois en retrait… L’esprit est plus fort que la performance ou l’anecdote. On appelle cela la sincérité.

De même, « Afro Blue », qui ouvre l’album, ou encore « Four Women » de Nina Simone, ont rarement raisonné avec autant de justesse et d’à propos. Ici, on fait le voyage inverse et Aly Wagues redessine à la flûte peuhl les contours d’un « Footsteps » où Dee Dee a posé des paroles pour rebaptiser le morceau « Long Time Ago ». Tout un symbole.

Tandis que le morceau titre, « Red Earth », possède des relents très marqués de blues, « Meanwhile » pleure les regrets en une mélodie mélancolique et fine.

Avec ce bel album, Dee Dee Bridgewater n’a jamais autant accepté ses origines. Elle en est fière et a mille fois raison. Cela lui va trop bien.