Scènes

Elull Noomi au Festival Radio France

Abdelak Lakraa, Pascale Gautier, Odile Fargère, Emilienne Chouadossi, Hervé Aknin.


Lundi 25 juillet 2016, sous la pinède du Domaine d’Ô de Montpellier, le festival Radio France accueillait Elull Noomi, groupe vocal unique en son genre, et malheureusement trop rare sur les scènes de France et de Navarre.

C’est à la plume d’Hervé Aknin que l’on doit la musique d’Elull Noomi. Cette formation a cappella a été créée en tandem avec Odile Fargère, auteure des textes, qui pour ce faire a inventé une langue. A première ouïe, on pourrait croire que ce ne sont que des onomatopées, mais c’est bel et bien un dialecte avec une syntaxe qui lui est propre, des verbes qui se conjuguent, et cette sonorité – chantante - si particulière.
« Nous allons vous conter, dans une langue imaginaire, l’histoire de l’enfant assis au bord du monde ». Cette simple introduction prend un autre sens quand les premières notes jaillissent et que cet autre univers nous happe.
« Elull Noomi » est répété en boucle, comme une transe à sept temps dans laquelle on entre instantanément. Les notes s’empilent, les accords se fabriquent puis s’estompent, les percussions vocales tracent un chemin. Ces dernières, que se partagent Hervé Aknin (par ailleurs membre de Magma) et Abdelak Lakraa, sont l’élément qui s’ajoute pour alléger le tout. Les blancs en neige qui donnent du volume mais désépaississent.
Comme dans une pièce de musique de chambre, la mélodie principale passe d’une voix à l’autre sans en avoir l’air, et s’enchevêtre avec grâce dans l’harmonie qui respire véritablement, de tension en détente.
Il y a finalement peu d’improvisation dans ce répertoire, et l’écriture est travaillée comme une pièce d’orfèvrerie. Les mesures, en grande partie impaires, changent souvent ; les harmonies sont riches et imprévisibles ; les polyrythmies étourdissantes. Les mélodies sont pures, tout autant que les voix qui les servent. Odile Fargère, Pascale Gautier et Émilienne Chouadossi chantent des motifs qui s’imbriquent les uns dans les autres à grande vitesse, dans le mystère d’un passage de relais inaudible.
La complexité technique de cette œuvre, tant dans la composition que dans l’interprétation, n’a aucune espèce d’importance. Parce qu’à aucun moment elle ne rend la musique complexe. Elle ne la rend pas difficile d’accès, élitiste ou intello. Si l’on s’intéresse à la technique, on sera sans doute fasciné. Mais ce n’est pas une condition pour participer au voyage dans lequel nous emmène la narration. Ce sont des ambiances amples, des atmosphères oniriques, très mélodieuses la plupart du temps, et dont les grooves sont solides et entraînants.
« Elull Noomi » signifie « le langage de la vie ». Et c’est la bande originale d’un rêve.