Chronique

Fabrice Martinez

Chut !

Fabrice Martinez (tp, flh, sh), Frédéric Escoffier (p, synth), Fred Pallem (b), Eric Echampard (dms), Thomas de Pourquery (as), Elise Caron (voc), Stéphane Bartelt (g)

Label / Distribution : Sans Bruit

Le trompettiste Fabrice Martinez se partage depuis des années entre la pop, à qui il offre sa technique impeccable, et le jazz, qui lui permet de côtoyer les grands ensembles hexagonaux les plus prestigieux, du Sacre du Tympan au Lousadzak de Claude Tchamitchian. En effet, comme il le confiait en 2011 à Patrice Boyer (Charleville Action Jazz) dans une interview, de Sergent Garcia à Archimusic, où on le retrouvait récemment, il aime à multiplier les expériences. Un mélange des genres qu’il faut appréhender comme une palette de couleurs étendue qui lui permet de dessiner de subtiles variations claires-obscures sur Chut ! son premier enregistrement sous son nom, paru sur le label dématérialisé sans bruit.

Créé en 2005 en compagnie du fidèle Frédéric Escoffier, pianiste et ami d’enfance charlevillaise qu’on a pu voir notamment dans Umlaut, le trio Chut les chiens ! est au fil du temps devenu au fil du temps un quartet, à mesure que les chiens se taisaient… C’est désormais avec le batteur Eric Echampard et le bassiste Fred Pallem que le trompettiste enregistre cet album. Mais très vite, dès « Dual », on pressent que ce Chut ! est d’abord l’affaire d’une relation privilégiée entre Martinez et son pianiste, qui montre une grande douceur lorsque son clavier est dégagé de toute électricité. Le timbre de la trompette, plus profond que cuivré offre ici un moment suspendu, poétique, aux allures chambristes, que la batterie viendra attiser sur « Nino et les nuages ». Tout au long du disque, l’axe Escoffier/Martinez est un fil conducteur que viennent nourrir les autres musiciens.

Car cet album dont, au vu de la pochette, on ne saurait affirmer qu’aucune trompette n’a été maltraitée pendant la prise de vue, compte quelques invités. Il y a là Thomas de Pourquery, avec qui Martinez joue dans Supersonic et qu’il a occasionnellement côtoyé au sein du MegaOctet d’Andy Emler, mais surtout Elise Caron qui donne à « Voie 4 » un air solennel et sombre sur une mélodie très écrite. Les re-recordings, dont le trompettiste fait grand usage, évoquent une déambulation de fanfare mélancolique réduite à sa plus simple expression. Les morceaux, assez courts, permettent de multiplier les images, les couleurs et les ambiances dans une atmosphère très cinématique, telle cette « Thèse » pleine de tensions électriques, au centre de l’album, où la guitare impeccable de Stéphane Bartelt vient acidifier le propos en un ostinato repris par le piano. Une chose est sûre, dans la production musicale actuelle, ce n’est certainement pas Chut ! qu’on voudrait faire taire en premier.