Ça se trame en coulisse
Quelques références de trombone en ligne
Alors que nous accueillons Fidel Fourneyron pour une longue interview, l’envie de trombone se fait sentir. En ce cas, se tourner vers le grand juke-box des Internets est un réflexe devenu commun. De JJ Johnson à Jeb Bishop en n’omettant pas Samuel Blaser, promenade pour observer ce qui se trame en coulisse sur les pavillons de la toile…
Dans un premier temps, c’est en direction du jazz patrimonial que nous nous dirigeons, avec la belle initiative de la Bibliothèque Nationale de France qui numérise des enregistrements de toutes époques et nous offre de redécouvrir les vieilles galettes du passé. Le son pur et clair de JJ Johnson, incarnation du tromboniste be-bop, est à son avantage sur Really Livin’, un disque de 1959. Mais c’est bien évidemment l’énorme Jay & Kai qui tirera les marrons du feu, avec ses six trombonistes (JJ Johnson, Kai Winding, Jimmy Cleveland, Bob Alexander, Eddie Bert, Urbie Green) et ses deux trombonistes basses (Bart Varsalone et Tom Mitchell). Tous les registres classiques de l’instrument sont présent dans « A Night In Tunisia », qui met également en valeur les talents d’arrangeur de Johnson.
Premier à apparaître dans les résultats de recherches tant sur Youtube que sur les plateformes de streaming, Kid Ory est la légende auquel on fait illico référence. Son nom est synonyme de tromboniste truculent et gourmand de glissandi. Avec son Creole Band, on entendra une version assez connue de « Tiger Rag », mais c’est bien le concert à Newport du trompettiste Red Allen, paru chez Verve en 1957 qui attirera l’attention. Kid Ory partage la scène avec un confrère, Jack Teagarden. « Muskrat Ramble » est l’occasion de le découvrir moins cabotin qu’à l’habitude, préoccupé par la section rythmique aux côtés de Cozy Cole. « High Society » permet d’entendre JC Higginbotham en dernière lame d’une orgie de coulisses !
Dans la version moderne et avant-gardiste, on aime les trios de trombone. Mais au fil du temps, les techniques étendues ont changé la perception de l’instrument : souffle, éclats… La coulisse a muté en un outil de propagation de tous les sons dont Jeb Bishop, Matthias Müller (auteur d’un intéressant solo) et Matthias Muche sont des orfèvres. Konzert Für Hannes, sorti chez Not Two mais également disponible sur le BandCamp de Jeb Bishop et sur plusieurs plates-formes, est un bel hommage de la communauté des trombonistes à l’un des leurs, Johannes Bauer, avec qui ils avaient l’habitude de se produire. Captée le 6 mai 2016, le jour de sa mort, cette œuvre en six parties est remplie d’émotion et d’une solennité qui ne comble pas l’absence mais la magnifie, notamment grâce à un Bishop qui aime à se saisir de lignes mélodiques simples mais percutantes dans une atmosphère franchement brute.
Brute, c’est aussi l’épithète que l’on peut attribuer à Oostum : la rencontre discrète, uniquement écoutable en vinyle, du percussionniste Gerry Hemingway avec Samuel Blaser sur le label balte No Business Records. Blaser n’est pas un novice des duos trombone/batterie : il a déjà croisé le fer avec Pierre Favre dans des conditions similaires. Mais ici, avec l’Américain, l’approche est radicalement différente : la rythmique est plus sèche, plus portée sur les peaux que sur les cymbales et le trombone doit aller chercher dans ses basses pour trouver un terreau commun, souvent avec un jeu de coulisse proprement phénoménal (« Bloos ») qui peut d’un coup remonter à la surface et découvrir une facette subitement éclairée de swing. La forte émulation entre les musiciens, jamais à court de trouvailles et de pratiques étendues, est un petit délice.
Enfin, on s’arrêtera sur le Bandcamp d’un autre tromboniste suisse de Hildegard Lernt Fliegen, Andreas Tschopp pour découvrir Bubaran, un album en quintet enregistré à la Buissonne où, avec son acolyte Bernhard Bamert, il réunit la jeune garde germanophone (Ronny Graupe, Julian Sartorius, Matthias Spillman) autour de la figure du gamelan qui a beaucoup influencé son écriture. On retrouve chez Tschopp ce son très proche de la voix qui a fait sa réputation aux côtés d’Andreas Schaerer. C’est le cas avec « Im Kur », remarquable travail sur le son où, avec la guitare de Graupe, il rappelle que le trombone est un instrument microtonal capable de bien des prouesses.