Chronique

Fabrice Martinez

Stev’in My Mind

Bettina Kee « Ornette » (kb), Raymond Doumbé (b), Julien Lacharme (g), Fabrice Martinez (tp, flh), Romaric Nzaou (d, perc).

Label / Distribution : Collectif La Boutique

Fabrice Martinez joue toujours avec ferveur. Dans son album Stev’in My Mind , il est habité par l’esprit de Stevie Wonder et par le désir de partager l’œuvre du grand compositeur américain. C’est aussi pour lui l’histoire d’une rencontre entre la France et le Congo avec le batteur Romaric Nzaou qui voue également un culte à Stevie Wonder, en particulier la discographie des années soixante-dix. Music Of My Mind, Talking Book, Innervisions, Fulfillingness’ First Finale, Songs In The Key Of Life, démontrent le génie d’un artiste qui enchaînait des perles musicales de manière insolente là où d’autres se seraient contentés d’une seule des mélodies qu’il a propagées autour de la planète.

Autour du duo Martinez-Nzaou, toute une équipe. Bettina Kee, qui s’approprie avec foi le surnom flatteur d’Ornette. Elle illumine de sa voix suave « No Time » avec une délicatesse qui laisse présager d’autres aventures vocales à venir. Son inventivité dans le trio jazz MOP et ses diverses expériences passées dans les formations d’Alain Bashung ou Arthur H en font une claviériste accomplie. Elle fait rayonner l’album avec un « Boogie On Reggae Woman » venu en droite ligne de Miles, et « On Tour » par un rythme tournoyant. Julien Lacharme « Djul » est un fin connaisseur de l’histoire de la guitare rock et ses nombreuses tournées avec le groupe Solar System d’Alpha Blondy ont fait de lui un musicien à l’esprit ouvert. Sa collaboration avec le remarquable luthier d’Oyonnax Laurent Huchard lui donne l’occasion de jouer sur des guitares d’exception, ses interventions dans « A Seed’s A Star », « Do Yourself a Favor » et « Black Man » sont souveraines. La paire rythmique composée par Raymond Doumbé et Romaric Nzaou est imprégnée des pulsations qui irradient les musiques de Stevie Wonder. Le bassiste franco-camerounais, fort de ses rencontres avec Dominique Gaumont, Salif Keïta, Bobby Few, Miriam Makeba, Archie Shepp, apporte des couleurs changeantes qui s’unissent à la science du batteur, fin connaisseur des musiques d’Afrique centrale. Quel autre duo aurait pu soutenir aussi parfaitement les envolées lyriques de Fabrice Martinez, fussent-elles stratosphériques comme dans « As If You Read My Mind » ou recueillies dans l’élégant « Visions » ?

Stevie Wonder était un précurseur des nouvelles technologies et Stev’in My Mind ne déroge pas à cette règle. Quant au groove qui imprègne ce disque, il renvoie à « Master Blaster (Jammin’) » tiré de l’album Hotter Than July, superbe hommage de Stevie Wonder à Bob Marley.