Portrait

Florian Satche l’explorateur

À l’instar d’un voyageur ébloui par de nouveaux territoires, Florian Satche nous conte ses aventures parsemées de rencontres.


© Fabrice Journo

Depuis 2012 et son investissement dans le démarrage du Tricollectif, cet amoureux des rythmes et des musiques plurielles porte un regard sur sa décennie musicale menée tambour battant ainsi que sur ses projets à venir.

Florian Satche © Jeanne Davy

L’homme est disert, révélé par le Tricollectif qui l’a transporté dans de multiples expériences. « Cette aventure m’a permis de donner un peu plus de corps à mes projets. Une grande richesse culturelle s’est établie avec des personnes issues d’autres univers tels que le théâtre ou la littérature, ce fut une éruption volcanique avec des créations et peu de budget. Une énergie flamboyante s’est déployée. »

Que reste-t-il actuellement de cet univers conjugué au pluriel ? « Tout passait par une hyper-créativité ; aujourd’hui on prend le temps de monter les choses, on a rationalisé afin d’éviter un épuisement systémique. Les objectifs ont acquis de la solidité ». L’année particulière liée au Covid19 a permis au collectif de penser différemment, ce qui ne fut pas forcément négatif aux yeux des intervenants.

Il y eut les rencontres avec des artistes accomplis dont Joëlle Léandre qui permit à Florian Satche de se jeter rapidement dans le bain de l’improvisation. « Joëlle, sa personnalité est importante, sur scène c’est l’incandescence. Elle vit pleinement la musique instantanément, l’énergie déployée est liée à la conscience de jouer avec le son sur le moment, ça doit nous traverser ». Cette rencontre fut une étape déterminante dont le batteur se souvient avec bonheur.

La batterie est l’instrument de Florian Satche, mais ce qui le captive avant tout c’est sa diversité fonctionnelle. « La batterie est un instrument jeune mais porteur des choses les plus anciennes de l’humanité ». Pour ce batteur friand d’expérimentations, l’instrument s’est mondialisé, il est devenu multiculturel et ce n’est pas l’arithmétique du temps qui l’a le plus inspiré mais la chaleur de l’instrument. « Il y a plein de musiciens qui cherchent tout en faisant perdurer un héritage, aujourd’hui je pioche dans énormément de musiques ».

Florian Satche s’intéresse aux percussions traditionnelles et son travail porte sur le son et la manière de l’ accommoder. Des noms d’hier et de l’instant présent se font jour. « Paul Motian me touche, il ne se limite pas sur son instrument, il avait une grande conscience de l’espace. Le travail de Sylvain Darrifourcq sur les polyvitesses avec un son spécifique est captivant ».

Mais quels sont les projets pour demain ? Florian Satche évoque Le Grand Orchestre du Tricot-Constantine qui continue de tracer sa route, une tournée en Algérie est prévue. Le groupe Lent, dont les ballades free-rock avec leurs explosions solistes agrémentées de textes, persiste en affirmant son caractère à la David Lynch. Ours, en trio avec Adrien Chennebault et Romain Baudoin engendre une nouvelle création tout en révélant un travail organologique recentré autour des peaux et des cordes, le son de batterie y étant plus acoustique.

Florian Satche © Fabrice Journo

La grande surprise est cette expérience autour de la personnalité fascinante de Norbert Moutier, disparu en 2020 et auteur de milliers de BD présentant son extraordinaire univers imaginaire. « J’ai rencontré Xavier Girard, ancien professeur à l’Ecole supérieure d’art et de design d’Orléans et amoureux d’art brut, qui a découvert ces BD pour le moins étranges et captivantes chez un brocanteur des puces d’Orléans. Il y consacre alors tout son temps pour approfondir une investigation ». Ce fut le point de départ d’une recherche concernant le travail prolifique de Norbert Moutier qui, depuis l’âge de cinq ans, s’est passionné pour les magazines d’enfants et a créé son propre univers mêlé de héros des fanzines d’époque ainsi que des premiers comics américains. Son œuvre est abondante, avec des milliers de fascicules originaux dessinés qui anticipent les étapes suivantes, l’approche du cinéma de série Z et des activités d’écrivain et d’éditeur. « J’en suis à un stade embryonnaire ; je m’oriente vers un travail en studio axé autour de cet univers poétique phénoménal, avec l’idée d’ailleurs de m’adresser aussi à un jeune public ».

La curiosité est de mise chez Florian Satche, les rencontres humaines sont le moteur de son existence. Il dit avoir voyagé grâce à la musique et un exemple particulier, vécu au Mexique en 2009, l’a marqué. « Bloqués avec des musiciens du monde entier dans un hôtel à cause de l’épidémie de fièvre porcine qui sévissait alors, nous nous sommes mis à tous jouer ensemble de 16 heures à 4 heures du matin. Ce fut un échange musical constant et exceptionnel malgré le fait que personne ne parlait la même langue, certains musiciens d’Asie centrale ne parlant d’ailleurs que leur dialecte ». Pour Florian, une certitude se confirme pleinement, la musique est vraiment un langage universel !

Le parcours actuel de Florian Satche prend les apparences de trajectoires inédites. Toutes mettent en évidence sa curiosité insatiable qu’on ne peut que saluer.