Chronique

Laurent de Wilde & Samplerman

Robert Moog

Label / Distribution : Philharmonie Editions

Lorsqu’on lit un livre avec appétence, on regrette d’arriver à la dernière page. Robert Moog raconté par Laurent de Wilde & Samplerman fait partie de ces lectures synonymes d’enthousiasme. Il était temps que quelqu’un se penche sur la vie de ce génie américain du vingtième siècle, tout à la fois technicien et grand visionnaire.

Robert Moog nous apparaît comme un chercheur intrigant qui pourrait évoquer le Professeur Tournesol ou le fameux Uncle Meat, croqué dans son garage par l’illustrateur Cal Schenkel sur le dos de la pochette de The Grand Wazoo de Frank Zappa. Car c’est bien un infatigable défricheur de sons inouïs qui nous est présenté par Laurent de Wilde : sa panoplie de bricoleur s’intéressant aux premiers instruments de musiques électroniques n’est que le point de départ d’une aventure extraordinaire. Cet investissement humain permettra de concevoir l’un des synthétiseurs les plus renommés du vingtième siècle, le fameux Minimoog.

C’est avec la découverte du thérémine, inventé en 1920 par le Russe Lev Sergueïevitch Termen, plus connu sous le nom de Léon Thérémine, que tout se met en place dans le cerveau bouillonnant du jeune Robert Moog. Laurent de Wilde nous entraîne dans sa recherche laborieuse, axée sur les oscillateurs et le filtrage des fréquences sonores : l’analogie avec la science-fiction n’est pas vaine. D’où l’intérêt de l’accompagnement pictural réalisé par Yvan Guillo, alias Samplerman : la gageure consistant à donner un apport dynamique au texte est parfaitement réussie. Cet art visuel qui puise son inspiration dans les comics des années cinquante ravira le lecteur.

Robert Moog ne connaîtra pas que la gloire : il est tout autant technicien qu’amoureux de la nature mais certainement pas homme d’affaires ; cela le conduira à des mésaventures fort bien relatées par Laurent de Wilde que l’on sent imprégné par l’univers de cet inventeur. Il raconte un bel exemple de diversification technologique : la création de la pédale d’effet pour guitare et clavier, la Moogerfooger, saluée unanimement pour ses performances hors pair et sa grande solidité.

L’éclosion artistique qui fit la renommée des claviers de Robert Moog allait commencer avec Wendy Carlos qui osa s’attaquer au fameux Concerto Brandebourgeois en fa majeur de Jean Sébastien Bach à la fin des années soixante. Ce fut une réussite commerciale totale. La suite est connue : de nombreux artistes ont intégré les instruments électroniques de Moog, tous styles confondus. La playlist de l’auteur est citée en page 63. Qu’on me permette d’y adjoindre un Français spécialiste du Minimoog, Benoît Widemann ; il suffit d’écouter son album 3, paru sous son nom, ou ses interventions pertinentes dans le flamboyant Fusion enregistré en 1981.

Laurent de Wilde et Samplerman ont réussi leur coup avec cet ouvrage publié aux Editions de la Philharmonie de Paris dans la collection Supersoniques. Ils nous communiquent l’envie de se replonger dans les disques innombrables où la signature sonore inventée par Robert Moog fait l’unanimité.